Il y a quelques jours, le Fonds monétaire international (FMI) mettait en garde les pays industrialisés contre l'évolution de la dette publique qui devrait passer d'environ 70% du PIB à plus de 120% en 2014. Il les exhortait à agir sur de nombreux fronts pour réduire de moitié le poids de cette dette au cours des 20 prochaines années.

Cet emballement anticipé de la dette publique, on le doit essentiellement au sauvetage du secteur financier mondial et à la multiplication des plans de relance gouvernementaux de la dernière année pour sortir de la crise économique, justement provoquée par le secteur financier. Il va sans dire que nous traînerons longtemps encore les effets de cette crise, stabilisée à grands coups de crédit.L'évolution du fardeau de la dette de ces pays, conjuguée à celle de la population, pourrait fragiliser l'économie mondiale et compromettre une croissance économique durable à long terme. À peine sortis de la récession, il faut déjà penser à cela.

Lorsqu'elle est trop importante, la dette publique agit à deux niveaux sur la croissance. Elle accapare continuellement des capitaux sur le marché pour son financement, alors qu'ils devraient être disponibles pour des initiatives privées. Ce faisant, elle provoque des pressions à la hausse sur les taux d'intérêt et ralentit les investissements privés, moteurs de la croissance. Les économistes appellent ce phénomène l'effet de «crowding out».

Par ailleurs, le service de la dette - les intérêts que nous payons chaque année à nos créanciers - draine des ressources fiscales qui, autrement, seraient utilisées pour le financement des services publics. La croissance de ces ressources fiscales deviendra de plus en plus limitée dans les pays industrialisés au cours des prochaines décennies avec le déclin démographique (et du nombre de contribuables) et le vieillissement de la population.

Bien que cet avertissement du FMI soit tout à fait fondé et justifié, certaines des recommandations pour parvenir à réduire les dettes publiques sont contestables, voire inacceptables. Elles souffrent surtout d'une omission majeure.

Nulle part, il n'est question dans ces recommandations de faire contribuer les véritables artisans de l'explosion de la dette publique. Ceux qui, dans le secteur financier, ont fait miroiter des rendements extraordinaires, ont caché les véritables risques associés à leurs produits financiers fantaisistes, ont abusé du système et ont plongé l'économie mondiale dans le marasme qu'on connaît. On s'attaque plus volontiers aux dépenses des gouvernements en santé que l'on voudrait contraindre à l'avenir à l'évolution du PIB, c'est-à-dire à une progression d'environ 3% par année, soit la moitié de la progression actuelle, nécessaire et difficilement compressible.

Ce qui surprend plus encore dans cette omission, c'est qu'elle survient quelques jours à peine après le sommet du G20 à Pittsburgh où un mandat clair fut donné au FMI en vue de la prochaine réunion de juin: analyser toutes les avenues possibles afin que le secteur financier puisse contribuer à l'avenir à réparer les torts qu'il pourrait causer et financer son propre sauvetage. Le FMI ne semble pas prendre ce mandat au sérieux, ni le parti pris d'une bonne partie des leaders du G20 en faveur du principe de «l'abuseur-payeur»!