Il s'est dit et écrit beaucoup de choses ces derniers temps à propos du rôle de l'Autorité des marchés financiers dans l'affaire Norbourg. On a notamment laissé entendre que dès 2002, l'Autorité avait les éléments en main pour freiner les activités frauduleuses de Vincent Lacroix. Rien n'est plus faux. Permettez-moi à mon tour de commenter ces graves allégations qui portent ombrage à la crédibilité de l'organisation que je dirige.

Dans l'affaire Norbourg, l'Autorité a mené son travail de façon diligente et rigoureuse. Et qu'une chose soit ici clairement établie: l'Autorité a agi dès que des renseignements suffisants lui ont permis de le faire. Toute prétention ou allégation voulant que l'Autorité avait, dès 2002, les éléments de preuve lui permettant de mettre à jour les activités frauduleuses de Norbourg sont fausses et ne visent qu'à discréditer l'Autorité ou à trouver un coupable utile.

 

Avec le recul, il est facile de prétendre que les soupçons que l'Autorité entretenait effectivement sur Norbourg auraient dû suffire pour lui permettre de bouger. Mais des soupçons ne valent rien devant la Cour et c'est pourquoi le travail visait à bâtir des preuves solides.

C'est lorsque Éric Asselin décide de se mettre à table à l'été 2005, après que l'étau se fut resserré autour de lui, que toutes les pièces du puzzle peuvent enfin être mises en place. Dès lors, l'Autorité a multiplié les ordonnances de blocage et d'interdiction et des perquisitions ont été effectuées conjointement avec la police. Une démarche qui aura permis d'empêcher Vincent Lacroix de s'approprier les quelque 75 millions de dollars restants dans les fonds et de causer davantage de dégâts.

En concentrant habilement le tir vers l'Autorité, cela permet malheureusement d'oublier qui sont les vrais responsables du scandale Norbourg. Ce sont ceux que nous appelons les «sentinelles» du secteur financier: les vérificateurs comptables, les fiduciaires et les gardiens des valeurs qui représentent le premier rempart des investisseurs contre les fraudeurs. Dans Norbourg, la vérité est que ces «sentinelles» ont lamentablement échoué à l'égard de leurs responsabilités de protéger l'argent des investisseurs. Car malgré les soupçons que l'Autorité pouvait entretenir sur Norbourg, jamais n'avons-nous cru un seul instant que l'argent des investisseurs était à risque. Pourquoi? Parce que ceux qui étaient chargés de veiller sur ces questions nous disaient que tout était conforme, qu'il n'y avait aucun problème. Bref, que l'argent était sous bonne garde et protégé. Que s'est-il passé chez les KPMG, Northern Trust, Concentra et Deschambault pour qu'une telle situation puisse se produire? Comment se fait-il qu'aucun drapeau rouge n'ait jamais été levé de leur côté? Ces sentinelles avaient la responsabilité de voir et d'alerter face à ce qui se passait.

Avec le procès au criminel des ex-adjoints de Vincent Lacroix qui vient de commencer, la tentation sera grande de jeter régulièrement la balle dans l'accommodante cour de l'Autorité des marchés financiers, en oubliant l'importance du rôle joué par les autres acteurs impliqués dans cette affaire. Notre dossier est prêt et sera défendu devant les instances appropriées.

L'Autorité des marchés financiers n'a pas la prétention d'être parfaite, mais ne peut rester silencieuse lorsqu'elle est attaquée pour des motifs qui ne relèvent pas de sa responsabilité. Ne perdons jamais de vue également les 9200 investisseurs qui ont été floués dans l'affaire Norbourg et qui représentent les vraies victimes de Vincent Lacroix. Le désarroi et la colère de ces victimes sont légitimes.

Pour ma part, je peux vous assurer que l'Autorité des marchés financiers entend continuer à assumer pleinement son rôle afin de protéger les investisseurs et leur donner confiance dans les marchés financiers.