Le gouvernement du Canada devrait demander aux États-Unis le rapatriement du jeune Canadien Omar Khadr, détenu à Guantánamo depuis sept ans, afin qu'il soit jugé ici dans le respect de ses droits fondamentaux. Nous l'avons écrit ici à quelques reprises.

Le récent jugement de la Cour d'appel fédérale, s'il arrive à la même conclusion, suscite néanmoins un malaise. Comme le juge de première instance, les deux juges majoritaires nous semblent avoir outrepassé leur compétence en s'immisçant dans une question qui relève des prérogatives du gouvernement canadien, la gestion de ses relations internationales.

 

Il est clair que les droits d'Omar Khadr ont été violés. La Cour suprême des États-Unis a statué que le régime juridique imposé aux détenus de Guantánamo était illégal. De plus, la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale ont déterminé qu'en interrogeant Khadr sachant les mauvais traitements qui lui étaient infligés, les représentants canadiens se sont rendus complices de ces traitements, en violation de la Charte canadienne des droits. Jusque là, pas de problème.

Pour autant, les tribunaux ont-ils à dicter au gouvernement la façon dont il doit s'y prendre pour s'assurer que les droits de Khadr seront respectés dans l'avenir? Selon les deux juges majoritaires de la Cour d'appel fédérale, leur collègue de première instance était dans son droit en ordonnant au gouvernement de demander le rapatriement de Khadr. Sur cette question précise toutefois, l'opinion émise par le juge dissident, l'honorable Marc Nadon, est plus convaincante.

En cour, le gouvernement a rappelé avoir multiplié les interventions auprès de Washington afin que Khadr soit traité correctement et ait droit à une assistance consulaire. Des diplomates ont régulièrement visité le prisonnier pour s'assurer de son bien-être.

Surtout, Ottawa a soutenu qu'une demande de rapatriement nuirait à nos relations avec les États-Unis, sans toutefois déposer de preuve à cet égard. La majorité en conclut que cet argument ne tient pas. Elle souligne aussi que le gouvernement n'est pas en mesure de démontrer sa thèse selon laquelle il n'y a pratiquement aucune chance que le gouvernement américain accède à une requête de rapatriement. Pourtant, qui sont les magistrats pour estimer, à l'encontre de l'opinion du ministère des Affaires étrangères, qu'une telle demande est la meilleure façon de procéder? Sur quelle base croient-ils pouvoir mieux prévoir que les diplomates la réaction des États-Unis?

Il s'agit là, selon le juge Nadon (dissident), d'«une interférence directe dans la conduite des affaires étrangères du Canada». Les décisions en cette matière «devraient être laissées au jugement des personnes qui ont été démocratiquement choisies pour gérer ces questions au nom des Canadiens.»

La Cour fédérale est-elle victime d'une poussée d'activisme judiciaire? En tout cas, elle s'est aventurée en terrain miné.