L'éditorial de Mario Roy (La Presse, 10 juillet) et l'intervention du président Obama au Ghana nous rappellent que tout individu bien intentionné, compatissant et rempli de bonne volonté voudrait définir un Grand Plan d'aide étrangère. Malheureusement, ces grands plans finissent trop souvent par être tributaires de deux caractéristiques principales.

D'abord, ils placent immanquablement au devant de la scène un lot de politiciens, journalistes vedettes, stars de cinéma, chanteurs et artistes pop. Deuxièmement, une fois la «langue de bois» percée et dégonflée, ces plans, sous le contrôle de bureaucrates fortement contraints par les politiques nationales exigeant que les ressortissants du pays donateur obtiennent d'importants bénéfices, généreront peu de résultats bénéfiques pour les populations visées.

 

La principale raison de ces échecs répétés ne tient pas au manque de fonds ou de ressources, mais plutôt à l'absence de mécanismes rigoureux de responsabilisation, d'incitations à la performance et de contraintes de bonne gouvernance. L'économiste William Easterly a montré qu'après 50 ans et près de 2500 milliards de dollars US d'aide étrangère, dont près de 1000 milliards en Afrique subsaharienne, «il y a scandaleusement très peu à montrer en contrepartie».

Il est urgent d'adopter une nouvelle approche fondée sur deux prémisses importantes. D'abord, la définition d'objectifs clairs, responsabilité première du secteur gouvernemental (pays donateurs, Banque mondiale, Fonds monétaire international), complétée par un processus d'implantation fondé sur des mécanismes concurrentiels et mené par des organisations sous contrats incitatifs mettant largement l'accent sur la performance et les résultats.

Ensuite, cette implantation doit nécessairement compter dans les pays récipiendaires sur une gouvernance adéquate basée sur la responsabilité publique, le respect des droits humains fondamentaux, la liberté économique et les droits de propriété.

Les meilleures ressources

Ainsi, le plus important facteur de réussite en développement consiste à faire appel aux meilleures ressources humaines et technologiques par le truchement d'entreprises et d'organisations compétentes capables de fonctionner sous des contrats fortement incitatifs. C'est le seul moyen de faire plus que de manifester un intérêt superficiel et un hommage du bout des lèvres aux objectifs du développement et de l'aide internationale.

Comme dans tous les secteurs de l'activité humaine, les régions et les pays sous-développés ont besoin de personnes bien intentionnées seulement si ces personnes sont avant tout compétentes, c'est-à-dire seulement si elles peuvent montrer et prouver leurs compétences dans un environnement concurrentiel, ouvert, transparent et responsabilisant.

À défaut d'une telle approche, le sous-développement se perpétue et apparaît lui-même comme l'état normal. Il devient alors très difficile de changer le système, chacune de ses parties défectueuses apparaissant essentielle par sa forte interaction avec les autres parties défectueuses.

L'inefficience totale et omniprésente est une caractéristique inhérente au système des Grands Plans, fondamentalement hostiles à la concurrence, à la modularité et à l'expérimentation.

La présence de groupes de pression bien informés, tirant profit du système défectueux aux dépens des citoyens, aggrave la situation, car ils peuvent bloquer les changements menant à un système ouvert, transparent, concurrentiel, centré sur les citoyens et fondé sur des processus de marché favorisant la responsabilisation. Nous sommes alors laissés sans autre choix que de verser toujours plus d'argent, de ressources et de capital dans des systèmes et approches inefficaces.

Marcel Boyer

L'auteur est professeur émérite de sciences économiques à l'Université de Montréal et fellow du CIRANO.