La cour d'école respirait la tristesse ce matin-là. Par petits groupes, les plus grands jasaient de cette fermeture prévue. Les plus jeunes jouaient

sans savoir.

J'entends encore ma fille me dire : «Et mes amies, mes anciens professeurs, si je veux les voir, ils seront où?» C'est la vie qui rentre... C'est ça la vie des pertes, des joies.

Mais l'enjeu actuel des fermetures d'écoles est plus grand, plus profond. Sur la Rive-Sud, la décision est tombée: notre école de quartier, si dynamique, si ouverte à TOUS les enfants, fermera.

C'est vrai, ce n'est pas seulement les enfants du quartier qui vont à cette école. Il y a aussi les enfants de la base militaire qui arrivent en autobus. Il y a aussi plusieurs classes spécialisées.

Dans notre école, les professeurs sont engagés (il le faut dans un quartier défavorisé), et organisent des activités régulières pour motiver ces jeunes qui ne le sont pas toujours.

Dans notre petite école où tout le monde se connaît, l'intimidation est tuée dans l'oeuf. Chaque professeur connaît chaque enfant, alors l'intervention est rapide.

Des activités chaque fin de mois, des sorties, des camps de vacances, des journées de ski (première expérience pour la majorité), génies en herbe. Pour faire tout ça, il faut de l'énergie, de la volonté.

Chaque mois, une conférence est donnée sur un des pays d'origine des élèves de l'école. Trente pays y sont représentés. Non, les enfants ne retrouveront pas, c'est certain, un tel dynamisme ailleurs. Il y a des écoles qui ne font à peu près pas d'activités.... milieu favorisé ou non.

Dans chaque classe, le professeur a des élèves en difficulté et d'autres plus faciles. Il doit pédaler beaucoup entre la discipline et la pédagogie. D'ailleurs, ça me fait penser aux écoles privées... ça n'a vraiment pas de sens, la somme des subventions qu'elles reçoivent. En plus, le parent peut déduire une partie de ses coûts d'éducation dans sa déclaration de revenus. C'est inadmissible.

Notre école publique est en chute libre. Le gouvernement québécois doit réinvestir dans l'éducation. L'école publique s'épuise. On veut une école de bonne qualité, qui attirera les familles de différents milieux. Pas une école publique par dépit ; une école publique qui n'aura plus que les pauvres, les irréductibles et ceux qui ne correspondent pas aux critères de l'école privée.

Aujourd'hui, pour être professeur dans certaines écoles publiques, il faut avoir l'âme missionnaire. Il faudrait recommencer à croire en une bonne éducation pour tous. Comme certains y ont cru dans les années 60. Il est temps de réinvestir pour le futur.

L'auteure est technicienne en travail social. Elle réside à Saint-Hubert.