La Presse a récemment fait part des inquiétudes de Serge Goulet, président de Devimco, relativement à la réalisation du projet Griffintown dans l'arrondissement du Sud-Ouest. Étant donné le contexte économique, Serge Goulet réclame ni plus ni moins l'aide de la municipalité pour que son projet puisse voir le jour d'ici 2010.

Depuis que les résidents de Griffintown ont été convoqués il y a un peu plus d'un an par la mairesse de l'arrondissement du Sud-Ouest, Jacqueline Montpetit, pour s'exprimer sur ce projet, rien n'a bougé. Lors de la consultation publique, le projet Griffintown a pourtant soulevé les passions et plusieurs mémoires ont été déposés à la mairie (toujours disponibles sur le site internet de l'arrondissement du Sud-Ouest).

De cette consultation publique, tenue dans les froids couloirs de l'ÉTS, il est ressorti que la majorité de la population souhaitait ardemment la revitalisation de leur quartier. Mais elle réclamait également, du même souffle, que ce développement ne soit pas piloté par un seul et même promoteur.

Ce que les résidents de Griffintown souhaitaient, et souhaitent encore aujourd'hui, c'est un quartier à échelle humaine susceptible d'attirer des familles. Ce que Devimco propose, ce sont des tours d'habitations de 25 étages - qui couperont la vue du centre ville à partir du bassin Peel - et un énorme centre commercial. Qu'on se le dise, et ne lui en déplaise, ce qui intéresse M. Goulet, ce ne sont pas les résidences mais bien les commerces ! Bref, un milieu qui n'a certainement pas été pensé pour la famille.

Comment en effet prétendre attirer de jeunes ménages si, parallèlement, on projette de multiplier des cases commerciales et des stationnements qui favoriseront inévitablement une augmentation de la circulation dans le quartier? Nous avons bien posé la question à la mairesse Montpetit mais celle-ci n'a toujours pas su nous répondre ou nous rassurer. Or, un tel projet n'entre-t-il pas en contradiction avec la politique verte de la Ville et la volonté d'établir à Griffintown un milieu de vie sain et serein?

Plusieurs résidents sont sortis scandalisés de cette consultation publique en constatant que les plans d'urbanisme, sur lesquels nombre d'entre eux s'étaient fiés au moment de leur achat immobilier dans Griffintown, avaient été modifiés aussi facilement et de façon aussi radicale par la ville (ah! les fameux PPU!) au profit d'un unique promoteur. De quoi vraiment décourager les citoyens à investir à Montréal...

Quand on prend la peine de lire quelques articles de journaux parus sur le projet Griffintown depuis un an, les inquiétudes de M. Goulet font aujourd'hui un peu sourire. Certes, la crise économique que nous traversons présentement est sérieuse mais rappelons-nous qu'en mai dernier, soit plusieurs mois avant que cette crise ait commencé, Serge Goulet ne respectait pas son engagement de déposer une garantie bancaire pour que la Ville puisse procéder à des expropriations dans Griffintown.

Depuis, nous n'avons pas entendu que cette garantie ait été déposée. Dans les circonstances, l'impatience du promoteur laisse aujourd'hui perplexe d'autant que ce dernier déclarait haut et fort, lors des consultations publiques, avoir les fonds nécessaires pour démarrer son méga-projet.

Perplexe également quand M. Goulet se targue d'avoir favoriser l'augmentation de la valeur des terrains dans Griffintown. Les propriétaires de bâtiments sous réserve en vue d'expropriation qui n'ont eu, depuis environ un an, ni le droit de vendre leur logement ou leur local commercial, ni même la possibilité de procéder à quelques rénovations que ce soit apprécieront. C'est d'ailleurs la première fois, soulignons-le, que la Ville autorisait des expropriations pour le compte d'un promoteur privé, et il convient de s'en inquiéter !...

Aujourd'hui, Serge Goulet propose (« impose » devrions-nous écrire) une version « light » de son projet Griffintown et tend la main aux autres promoteurs qui voudraient travailler avec lui. L'intention est noble, mais ce nouveau projet n'a plus rien à voir avec le projet initial sur lequel les citoyens se sont exprimés et ont fait part de leurs réserves, tout comme plusieurs urbanistes et architectes réputés d'ailleurs.

Jacqueline Montpetit a-t-elle l'intention de consulter à nouveau ses concitoyens relativement à cette nouvelle mouture du projet Griffintown? Rien n'est moins sûr, et ce malgré les critiques qu'avait soulevé l'année dernière l'ensemble du processus de consultation. La mairesse «écoute», pour reprendre un de ses verbes favoris, mais semble finalement bien se moquer de l'opinion citoyenne. Il y a un an, plusieurs résidents de Griffintown avaient exprimé le souhait de voir la tenue d'un référendum sur le projet du promoteur. Mme Montpetit, il n'est jamais trop tard pour bien faire...

En attendant, et pour calmer son impatience, Monsieur Goulet peut bien mettre ses énergies à l'expansion de son DIX30 car une chose est sûre, les résidents de Griffintown n'en veulent pas d'une réplique dans leur quartier, même en modèle réduit.

Les auteurs résident à Griffintown.