Depuis que l'énoncé économique du gouvernement a déclenché cette tornade politique à la fin de novembre, les Canadiens ont droit au spectacle désolant de leurs élus se lançant des insultes et des accusations par la tête à qui mieux mieux.

Le Canada a toujours été un pays plus facile à diviser qu'à unir, et il y en aura toujours pour nous faire croire que la division est une forme d'addition. En entendant cette cacophonie, il me vient à l'esprit cette expression de Mark Twain: «Tout ressemble à un clou pour qui ne possède qu'un marteau.» Le moment est venu, pour nous tous, d'exiger de nos dirigeants politiques qu'ils se servent à nouveau de leur marteau pour faire ce pour quoi il a été inventé: bâtir.

 

Tout au long de notre histoire, nous avons eu à relever d'immenses défis lorsque des divisions régionales ou partisanes menaçaient l'unité nationale.

En septembre 1918, lorsque l'issue de la Première Guerre mondiale était encore en jeu et que les divisions créées par cette terrible guerre étaient encore vives et douloureuses, le premier ministre Borden, reconnaissant le danger qui menaçait l'unité du Canada, déclara ce qui suit: «Plus que tout, assurons-nous d'un objectif commun. J'ai parlé de gaspillage, mais la discorde inutile et la controverse déplacée représentent les pires gaspillages possible des efforts du pays. La discorde naît surtout d'un manque de compréhension réciproque; les Canadiens des diverses communautés et provinces devraient mieux se connaître et s'efforcer d'acquérir une vision élargie des motivations et objectifs des autres Canadiens. C'est sur cette meilleure compréhension que l'esprit national unifié de l'avenir doit se fonder.»

Nous sommes présentement en profonde récession. Novembre 2008 est le mois où le plus de Canadiens ont perdu leur emploi depuis 25 ans. Le Canada est maintenant confronté à une crise économique réelle qui met en évidence toute l'absurdité de la crise politique à Ottawa.

Pas assez de réconfort

Il est vrai que le gouvernement n'a pas offert assez de réconfort, dans son énoncé économique, à ceux qui avaient perdu leur emploi, ni assez d'espoir à ceux qui craignent de perdre le leur, en indiquant qu'ils pouvaient s'attendre à mieux dans le prochain budget. Il est tout aussi vrai qu'une réponse constructive de la part des partis de l'opposition aurait été d'en demander davantage pour les Canadiens qui souffrent économiquement, plutôt que d'exiger qu'on leur donne le pouvoir sur la foi de vagues promesses, extrêmement contradictoires, de futures dépenses.

Cependant, au lieu de répondre à l'appel sensé à un «objectif commun» en temps de crise que lançait naguère le premier ministre Borden, nos dirigeants d'aujourd'hui ont décidé que les grands rassemblements de drapeaux suffisaient à honorer les obligations constitutionnelles des élus envers leurs électeurs.

Ils se trompent. Ils ont de bien plus grands devoirs. Le plus important de ceux-ci, et le plus fondamental, est d'assurer aux Canadiens un «bon gouvernement», cette promesse concrète de compétence au service de la population qui se trouve inscrite dans notre Constitution.

La réponse exigée par ceux qui ont perdu ou qui risquent de perdre leur emploi ne peut être mitigée par la conduite actuelle du gouvernement ou de la coalition. Il n'est pas trop tard pour mettre fin à cet imbroglio et les événements récents nous donnent un début d'espoir.

Les Grecs de l'Antiquité croyaient que la destinée se forgeait sur l'enclume du caractère. Nous avons déjà été divisés par le passé, mais ces divisions n'ont jamais défini notre caractère national ni annoncé notre destinée. Ce moment-ci de notre histoire n'en exige pas moins. Les Canadiens sont à la hauteur du défi. Il semble impératif que la classe politique à Ottawa soit à la hauteur attendue des Canadiens.

L'auteur est un homme d'affaires montréalais, membre du conseil d'adminis-tration de plusieurs sociétés canadiennes. Il était candidat conservateur aux élections fédérales de 2006.