Il est assez exceptionnel dans l'histoire des États-Unis que l'on puisse prévoir à l'avance avec une relative certitude le résultat de l'élection présidentielle. Barack Obama est donné largement gagnant par les sondages, même si ce qui importe est le nombre de délégués qui le préféreront à McCain, le 15 décembre prochain, lors de la réunion du collège électoral.

Sans sous-estimer le réflexe ultime de racisme à la dernière minute dans l'isoloir (les Blancs peuvent le trouver trop noir et les latinos et les Noirs peuvent aussi le trouver trop blanc), tous les feux verts semblent s'allumer, que ce soit l'augmentation du nombre d'inscrits sur les listes électorales, notamment chez les Noirs, les jeunes et les hispaniques ou que ce soit la plus forte participation des électeurs inscrits comme démocrates au cours des votes anticipés. Mais souvenons-nous de la victoire inattendue de Truman contre Dewey, pourtant donné vainqueur en 1948.

 

La victoire d'Obama serait fortement symbolique. Pour tous les Noirs, elle serait le triomphe de la fierté. Symbole de réussite pour tous les Afro-Américains, elle tournerait une page d'histoire en inaugurant une nouvelle ère post-raciale. Messager d'un métissage mondial en marche, Obama deviendrait le héraut d'une Amérique réconciliée avec elle-même au-delà des clivages partisans et des races.

L'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche bouleverserait le paysage politique et pas seulement parce qu'il serait le premier président noir des États-Unis mais parce qu'il marquerait la fin d'une longue période inaugurée par Abraham Lincoln et l'abolition de l'esclavage.

Renouveau du rêve américain

Chevalier du changement, porteur d'espoir, Obama incarne le renouveau du rêve américain. Sa victoire confirmerait aussi un puissant désir de changement et de rupture avec l'administration Bush, tout en marquant le retour de la légitimité et du leadership du président américain sur la scène mondiale avec une volonté affirmée de multilatéralisme.

La question irakienne distrait les États-Unis de la véritable menace terroriste qui se situe davantage en Afghanistan et au Pakistan et il est urgent de renouer des alliances et de ne plus céder à la tentation du repli et de l'isolationnisme, renforcée depuis le 11 septembre 2001.

L'élection de 2008 marquera de toute manière la fin du «reaganisme», du «moins d'État», des marchés déréglementés, de l'Amérique triomphante, le tout étant naturellement accéléré par la crise financière.

Quelle que soit l'issue du scrutin, c'est déjà la fin du règne blanc et masculin. Mais Obama aura du pain sur la planche, s'il est élu. Parmi les sujets urgents: régler le conflit irakien, réaffirmer un leadership mondial contesté, réduire la pauvreté accrue par la crise des subprimes et l'explosion de la bulle immobilière, instaurer un système de santé moins coûteux et moins injuste.

L'Amérique a besoin d'une nouvelle donne. Le vrai problème du nouveau président sera d'être à la hauteur des enjeux et, tout simplement, de ne pas décevoir, tant les attentes sont grandes.

L'auteur est professeur de civilisation nord-américaine à la Sorbonne.