Les candidats à l'élection présidentielle américaine dépensent en moyenne 30 millions de dollars par semaine en publicité depuis la fin des conventions. Or, ils dépensent tous deux environ 10 millions pour la publicité négative, ce qui représente près de la totalité du budget publicitaire de John McCain et environ 50% de celui de Barack Obama (qui en dépense autant en publicités positives).

D'ailleurs, la course de 2008 sera la plus négative de l'histoire. Pourtant, les électeurs sont très critiques à l'égard de ce type de publicités: l'état de l'économie est tellement préoccupant qu'ils veulent savoir précisément ce que les candidats proposent pour atténuer les effets de la crise et sont moins sensibles aux attaques personnelles, qui semblent inappropriées dans ce contexte d'incertitude.

 

Dans ce cas, pourquoi continuer à produire des publicités qui contiennent des attaques personnelles virulentes ou une interprétation sensationnaliste des idées de l'adversaire? Tout simplement parce que les publicités négatives, souvent imagées et controversées, risquent de faire les manchettes.

Images fortes

En effet, le but des publicités électorales négatives est de définir l'adversaire à l'aide d'images fortes. Par exemple, McCain proclame dans une de ses publicités qu'«Obama est une star comme Paris Hilton et Britney Spears» (il n'est donc pas prêt à gouverner) ou encore, Obama affirme que «McCain ne sait pas combien il possède de maisons» (c'est-à-dire qu'il ne comprend pas les préoccupations de la classe moyenne). Ces publicités, si elles s'adressent tout d'abord aux électeurs, ont également les journalistes dans leur ligne de mire: les candidats souhaitent que les médias reprennent à leur compte les messages diffusés de façon à ce qu'ils deviennent indissociables du candidat adverse.

De plus, la reprise du contenu des publicités négatives par les médias permet au candidat qui en est à l'origine de réorienter les débats du moment. Par exemple, dans ses récentes publicités, McCain met l'accent sur les liens d'Obama avec Bill Ayers (un ancien radical des années 60 et 70) en espérant pouvoir cesser de parler d'économie. De la même manière, Obama met en ondes des publicités qui tentent de démontrer que McCain a des agissements erratiques en temps de crise pour, justement, continuer à aborder l'économie, sujet qui lui donne l'avantage dans les sondages depuis quelques semaines.

Ainsi, les publicités négatives forcent l'adversaire à être en mode défensif. Il est par ailleurs très difficile pour un candidat de se défaire d'une image négative: la défaite de John Kerry, en 2004, est attribuable en bonne partie au travail des Swift Boat Veterans, qui décrivaient le candidat démocrate comme un traître et un menteur dans leur publicité sur sa participation à la guerre du Vietnam.

L'utilisation excessive des publicités négatives est cependant une arme à double tranchant en fin de campagne électorale: elle peut contribuer au cynisme des électeurs ou les amener à changer d'idée à propos du candidat qui utilise ce procédé plutôt qu'au sujet de l'adversaire visé par la publicité négative. Il reste donc moins de trois semaines aux candidats pour développer une stratégie publicitaire qui soit moins irritante pour les électeurs, particulièrement ceux des États-pivots, cibles principales de ces campagnes publicitaires.

L'auteure est chercheuse associée à l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM (www.dandurand.uqam.ca/electionsusa2008) et professeure de science politique au collège André-Grasset.