Cher professeur Lomborg, à l'invitation de notre éditorialiste en chef, je me permets de répondre à votre texte d'opinion. Je l'ai lu avec un certain plaisir, sans grande surprise. Il s'agit d'une analyse discutable de la situation des changements climatiques, orientée par votre formation d'économiste. Le ton de votre exercice littéraire, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, s'inspire de tous vos autres écrits - et ils sont nombreux - reprenant toujours les mêmes arguments, la même logique intellectuelle et, malheureusement, les mêmes lacunes argumentaires qui, de mon simple point de vue, deviennent redondantes au fil de vos écrits.

Si l'on peut être stimulé intellectuellement au premier abord, une simple recherche des faits énoncés dévoile rapidement le stratagème qui n'a d'autre but que de discréditer adroitement la science pour mieux servir votre point de vue. Loin de moi l'idée de vous accuser de ne pas citer correctement les scientifiques. J'en ai plutôt contre cette façon trompeuse de n'utiliser que des informations partielles et incomplètes, sorties de leur contexte général, pour défendre une théorie qui, trop souvent, va directement à l'encontre de l'hypothèse avancée par l'auteur même de vos citations. En ce sens, votre démarche est non seulement discutable, mais elle est même parfois irrespectueuse envers le travail des scientifiques que vous citez.

Je ne vais pas reprendre ici chacun des exemples de votre texte, puisqu'il s'agit toujours du même processus. Vous errez dans votre démarche intellectuelle quand vous affirmez que les modèles climatiques sont aveuglés par une réalité qui ne fait que s'aggraver. Je vous rappelle que les modèles climatiques ne font que compiler des données scientifiques vérifiées, et qu'aucune interprétation de ces données brutes ne fait partie de ce processus d'analyse scientifique. On ne fait que nourrir les super ordinateurs de chiffres. Les données qui alimentent ces modèles ne sont que des faits, vérifiés et vérifiables.

Modèles climatiques

Affirmer que les modèles climatiques ne sont pas valables, en se basant sur un argument non fondé d'une manipulation négative des données, représente un tour de passe-passe intellectuel dont le seul but est de discréditer les scientifiques. Pourtant, vous utilisez régulièrement ces mêmes scientifiques et leurs études pour défendre votre point de vue. Malheureusement, vous errez encore en n'utilisant trop souvent qu'une partie des résultats de leurs études, celle qui vous convient, et hors de leur contexte d'origine. Votre exemple sur la circulation des flux d'air sur l'océan Arctique ne sert pas votre propos puisque, dans la partie non citée par vous, les chercheurs de cette étude confirment une augmentation de la force des vents et des tempêtes en raison du réchauffement dans l'Arctique.

Votre formation d'économiste vous a montré l'art de manipuler les chiffres. Quand vous faites référence à l'augmentation des températures au cours de la dernière décennie, vous jouez volontairement avec la notion mathématique de la moyenne. Or, vous savez comme moi qu'une moyenne se calcule à partir d'un point de départ, une année de référence dans le cas qui nous concerne. Reculer de seulement 10 ans est trompeur et cible volontairement 1998, l'année record en matière de température moyenne annuelle. Bien sûr qu'il est normal de constater une baisse de température si l'on utilise l'année d'exception en référence et sur une échelle temporelle aussi courte.

Vous ne m'en voudrez pas si je préfère l'analyse et le consensus des scientifiques qui ont compilé ces données, plutôt que votre analyse qui reprend ces mêmes données, mais de façon partielle et incomplète. Je laisse la science aux scientifiques, comme je laisse l'économie aux économistes, et vous invite à faire de même.

Il faudra bien trouver une solution, ensemble, économistes et scientifiques. Et pour reprendre les mots d'un économiste célèbre: «Nous avons un besoin urgent d'équilibre.» C'est justement ce que les scientifiques réclament: le retour à un équilibre naturel qui protège la vie. En passant, à combien chiffrez-vous la disparition d'une espèce dans vos modèles économiques?

L'auteur est biologiste et explorateur.