Le premier ministre Stephen Harper vient d'annoncer qu'un Parti conservateur réélu remplacerait la loi existante sur les jeunes contrevenants par une nouvelle législation fondée sur les principes de la dissuasion et de la responsabilité. Le document de référence du Parti conservateur mentionne entre autres que la loi assurerait «...que les personnes âgées de 14 ans et plus reconnues coupables d'infractions violentes subissent des peines spécifiques proportionnelles à la gravité du crime et au niveau de responsabilité, pour une peine maximale de 14 ans en cas d'infraction violente, et une peine maximale de prison à vie pour meurtre au premier ou deuxième degré».

Ayant été ministre de la Justice et procureur général du Canada à l'époque où la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a reçu la sanction royale, je me sens dans l'obligation d'intervenir afin de réitérer les principes qui rallient les intervenants dans ce dossier et démontrer à quel point le parti de Stephen Harper fait fausse route. D'entrée de jeu, permettez-moi de souligner que le désir d'enrayer la violence pour ensemble bâtir une société sécuritaire est un objectif qui, sans le moindre doute, est partagé par l'ensemble des partis politiques au Canada. Essentiellement, ce qui ne va pas avec le parti de Stephen Harper, c'est l'approche particulièrement répressive qui est préconisée, ceci étant d'autant plus vrai avec les jeunes contrevenants.

 

Criminel ou enfant mal dirigé?

Depuis 1908, le Canada s'est doté d'un système de justice pénal d'exception pour les jeunes contrevenants. Dès lors, l'article 31 de la première législation prévoyait que «chaque jeune délinquant soit traité non comme un criminel mais comme un enfant mal dirigé, ayant besoin d'aide, d'encouragement et de secours». Tout récemment, dans l'arrêt R.c D.B., la Cour suprême du Canada a réitéré que les enfants ont droit «à une présomption de culpabilité morale moins élevée découlant du fait qu'en raison de leur âge les adolescents sont plus vulnérables, moins matures et moins aptes à exercer un jugement moral. C'est pourquoi les adolescents sont assujettis à un système de justice et de détermination de la peine distinct». Au surplus, la cour ajoute que «l'historique législatif du système de justice pénal pour les jeunes au Canada confirme que la présomption de culpabilité morale moins élevée des adolescents est un principe juridique de longue date qui a été constamment reconnu dans toutes les lois».

À bien des égards, l'approche du Parti conservateur ne respecte pas ce principe juridique. Ce faisant, la loi proposée entraînerait beaucoup de discussions sans offrir un outil juridique adéquat puisqu'il est raisonnable de prévoir que tout un pan de cette législation serait invalidé par la Cour suprême du Canada. D'autre part, en optant pour la répression au lieu de miser sur la réadaptation et la réinsertion sociale, le Parti conservateur va à l'encontre d'une école de pensée bien établie qui a donné de bons résultats au Canada et partout dans le monde. Pourquoi remettre en question une législation qui, sans être parfaite, a grandement fait ses preuves, si ce n'est que pour des motifs purement idéologiques?

L'auteur est un ancien ministre libéral de la Justice et procureur général du Canada. Il est maintenant avocat associé chez Gowling Lafleur Henderson, s.e.n.c.r.l.