La tentative d'assassinat de la représentante démocrate Gabrielle Giffords provoque un débat sur deux questions. Le discours de la droite populiste, de plus en plus violent, a-t-il contribué à l'acte démentiel du tireur? Le gouvernement américain devrait-il imposer des restrictions supplémentaires sur la vente et la possession d'armes à feu? Où est le problème, à votre avis?

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Une anecdote révélatrice

Il y a environ trois ans, nous passions quelques jours de vacances dans un camping tranquille au nord de la Floride. Un soir, nous faisons une petite promenade et apercevons un voisin du camping promenant son chat en laisse. Trouvant ça cocasse, nous lui faisons un brin de causette. Tout va bien, le monsieur est gentil jusqu'au moment où nous l'invitons à venir visiter le Québec... oh là là! Il nous regarde l'air mi-figue mi-raisin, disant : «Je ne peux pas, je ne peux apporter mon arme à feu!» À notre tour d'avoir l'air surpris et nous le rassurons en lui disant que le Québec est un endroit tranquille. Il est resté sur la vieille idée que les terroristes de 2001 sont venus du Canada et ma foi, nous avons l'impression d'avoir proposé à ce gentil vieux monsieur (qui le devenait de moins en moins plus le temps passait) que nous lui avions offert un voyage en Afghanistan sans souliers! Ce monsieur ne nous a plus adressé la parole pour le reste du séjour. Cet évènement, banal en-soi, souligne comme il est normal pour tout États-Unien d'être muni d'une arme à feu. Ils sont bien chanceux, à bien y penser, que des tueries comme celle du week-end dernier, n'arrivent pas plus souvent. Après tout, ils doivent bien avoir plus d'une ou deux personnes fêlées dans ce grand pays, non? Et après, ils se disent outrés? Épouvantés? Non, ils devraient plutôt remercier Dieu ou je ne sais pas qui d'être ainsi épargnés. Ma grand-mère avait raison: il y a un Bon Dieu pour les innocents!

Lucie Raymond, Rosemont

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Le culte inculte de la violence et des «guns»

Je ne suis pas un spécialiste des États-Unis. Mais étant âgé de 67 ans, je pense avoir suffisamment fréquenté les États-Unis pour prétendre avoir développé, au fil du temps, une modeste connaissance des us et coutumes de ce pays à la fois fascinant et peu rassurant. C'est un pays dans lequel on retrouve des êtres d'une culture remarquable et impressionnante, des humains généreux et accueillants. C'est un pays dans lequel il y a, bien évidemment, de prodigieuses différences «régionales». Entre le Sud et le Nord, pour ne présenter que cet exemple, les « écarts » sont assez remarquables. Aussi, il est notoire que ce pays est imprégné par une culture (ou inculture) de la mort et des armes à feu, par un culte inculte de la violence et de la virilité, laquelle serait conférée par les gros «guns» de toutes sortes. En fait, il y a, chaque année, de très nombreux États-Uniens qui meurent, tués par des armes à feu. Les tueries collectives, comme celle qui vient de survenir, sont assez fréquentes. Dans de nombreux États, la peine de mort reste un châtiment possible. Cela même s'il est parfois arrivé que des innocents soient condamnés. Il ne faut pas oublier, comme l'indiquent des esprits éclairés comme Noam Chomsky ou John R. MacArthur, que ce pays à haute prétention démocratique est presque toujours en guerre, est toujours prêt à intervenir dans divers coins du monde pour y établir l'ordre états-unien, l'ordre du pétrole, l'ordre des intérêts économiques et politiques états-uniens. Il serait intéressant de savoir combien d'humains ont été massacrés par des États-Uniens (depuis 1945) en Irak, en Afghanistan, au Vietnam, en Indonésie et dans de nombreux coins du monde. En fait, la société états-unienne a un haut potentiel de violence. Et la récente tuerie n'est pas un incident rare, isolé ou exceptionnel. Craignons une certaine inculture, une inculture de la mort!

Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias, Montréal

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Discours populiste trop violent ou armes trop accessibles?

Évidemment, le vrai débat n'aura pas lieu, alors qu'il est une fois de plus éludé par la sempiternelle fausse cause anthropique : la culture de l'arme à feu, à laquelle se greffe, dans ce cas précis, une incitation probable à la violence, gracieuseté de Sarah Palin, possiblement candidate à la présidence prochaine des États-Unis d'Amérique. Franchement, c'est à croire que tous les moyens sont bons pour évacuer la réalité, non pas exclusivement américaine, mais occidentale, laquelle nous rentre pourtant dedans à intervalles réguliers depuis maintenant plusieurs décennies, alors que Charles Whitman, agissant tel un sniper, abattit plus de 30 personnes sur le campus de l'Université du Texas en 1966. S'ensuivirent une multitude de tueries masculines en milieu public occidental, davantage à partir des années '80 et perpétrées au Canada dont trois au Québec seulement (Lortie, Lépine, Gill) de même qu'en  France, en Angleterre, en Écosse, en Allemagne, en Belgique, en Norvège, en Suède, en Australie, au Japon et bien sûr, aux États-Unis, devenu pays symbole de cet acte horrifiant.  Qui se poursuivra indéfiniment, à moins que l'Occident n'accepte de reconnaître l'évidence même : soit que notre civilisation est confrontée depuis 45 ans à une rage de folie meurtrière masculine sans précédent historique, laquelle doit absolument être analysée dans un contexte de signification sociologique de manière à identifier clairement LA cause anthropique à l'origine de ce qu'il ne faut (surtout) pas hésiter à qualifier de pire abomination de l'ère moderne. Laquelle a fait des dizaines de victimes innocentes jusqu'à maintenant, hommes, femmes, enfants confondus.

Gordon Sawyer

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La peur de l'autre

Je crois qu'ils subventionnent les films avec la vue de ces armes et qu'ils sauvent le monde, les acteurs tuent sans apparence de regret, comme s'il était normal de tuer. Il y a-t-il une raison de porter une arme tout le temps sur soi si ce n'est la peur qu'une autre personne en ait une sur lui?

Léon P., Saint-Jean-sur-Richelieu

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Un acte fou et insensé

Il faut voir cet évènement comme l'acte d'un fou insensé et rien d'autre. Je fais confiance au peuple américain pour ne pas faire la même erreur que nous avons faite en punissant un pan entier de la population pour les crimes d'un seul individu. Ceux qui connaissent l'Histoire américaine savent que la raison d'exister du deuxième amendement de la Constitution est que les « Pères fondateurs » des États-Unis savaient par expérience que la libre circulation des armes était nécessaire pour éviter la tyrannie. Autant celle des petites crapules que celle d'un gouvernement ayant le monopole total de la force.

Mattiew Michaud, Montréal