Dans quelques jours, la Californie tiendra un référendum sur la légalisation et la taxation de la marijuana, une première aux États-Unis.

Selon vous, au Canada, devrait-on légaliser la possession d'une petite quantité de pot? Devrait-on permettre la culture de marijuana à des fins personnelles? Devrait-on en autoriser la commercialisation afin qu'elle puisse être taxée par l'État?

MERCI DE NOUS AVOIR FAIT PARVENIR VOS COMMENTAIRES

Pour la légalisation et la nationalisation

Quelle hypocrisie de la part de nos dirigeants politiques et de nos sociétés consommatrices!  Les seuls gagnants de la guerre contre les drogues sont les policiers. Ils ne défendent que leurs intérêts. Les contribuables de tous les pays occidentaux payent des milliards pour une guerre contre les drogues perdue d'avance, comme l'a été la prohibition de l'alcool au début du 20e siècle. Les policiers profitent au maximum des milliards que les états investissent dans cette guerre futile. Ce sont les seuls gagnants. Ils s'opposent souvent à la distribution des seringues, à la vente de la mari de compassion et à tout assouplissement des lois. De plus, par leur discours démagogique, ils lavent les cerveaux du bon peuple timoré et répandent une désinformation qui n'est faite que pour faussement sécuriser les masses de plus en plus apeurées par les milliers d'assassinats perpétrés par les trafiquants. La légalisation et la nationalisation des drogues aujourd'hui illicites sont les seules solutions pour mettre fin aux carnages entre cartels et au désespoir des pays producteurs qui ne profitent pas de ce trafic.

Juan Benito

Comprenne qui pourra

Il est pour le moins étrange qu'on soulève encore la question de la légalisation du cannabis en 2010. À l'instar de la place du Québec dans le Canada - toujours en suspens, mais jamais véritablement réglée - elle symbolise à merveille la paralysie de notre système politique.   « Écran de fumée », titrent les journaux sous la rubrique « insolite » ou « faits divers », masquant ainsi l'importance du sujet en matière de politiques publiques et de droits fondamentaux. À la faveur d'une paresseuse ignorance de la part des médias de masse, il faut constater qu'on oublie bien des choses au Québec ces temps-ci. On oublie le rapport Le Dain (Commission d'enquête sur l'usage des drogues à des fins non médicales) qui, dès 1974, en venait déjà à la conclusion que la marijuana devrait être décriminalisée. On oublie le fameux Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites de 2002, piloté par le conservateur Pierre-Claude Nolin, qui en est venu exactement aux mêmes conclusions après avoir consulté des dizaines d'experts, siégé plusieurs semaines et pondu un rapport volumineux d'environ 800 pages. Ce rapport proposait 11 recommandations pour encadrer la production, la distribution et la vente de cannabis à des fins thérapeutiques et récréatives. Recommandations plus proches d'une véritable légalisation, qui furent toutes tablettées. Il est vrai que les récentes années ont été marquées par des gouvernements minoritaires et instables qui ont eu raison des timides réformes du Code criminel que voulait entreprendre le ministre Martin Cauchon. Par ailleurs, on oublie ce chiffre approximatif de 500 millions de dollars - équivalant au coût des arrestations, des peines d'emprisonnement, des opérations Cisaille, des saisies et des escouades spéciales oeuvrant à la lutte antidrogue au Canada. Un chiffre maintes fois soulevé, mais jamais scientifiquement prouvé, faute de volonté gouvernementale d'admettre l'ampleur du gaspillage. En effet, bien peu de gens ont vu passer ce rapport de l'UNICEF publié en 2007, qui confirme que le Canada est le champion absolu de la consommation de cannabis chez les jeunes (parmi les 20 pays de l'OCDE), malgré les sommes astronomiques englouties dans la répression policière envers ces mêmes jeunes. On oublie qu'un parti politique nommé Bloc pot a été fondé au Québec en 1998 dans le seul but de débattre de la question de la légalisation. On oublie que son pendant fédéral, le Parti marijuana, a récolté 66 000 voix aux élections générales de 2000, et plus de 33 000 voix en 2004. En droit international, on oublie que l'exemption à des fins analgésiques est présente dans la Convention unique sur les stupéfiants depuis 1961. On oublie que Santé Canada, par sa lourde bureaucratie politiquement imposée, a constamment failli à sa tâche de fournir aux patients de la marijuana de qualité en quantité suffisante pour répondre à la demande, et ainsi remplir ses obligations en vertu du droit à la santé reconnu dans les conventions, dont le Canada est signataire. Le plus triste est qu'après 10 ans de bons et loyaux services, on oublie que le Club Compassion de Montréal a dû fermer ses portes à la suite de la saisie policière de l'été 2010. Entretemps, le sort du Centre Compassion et du centre Culture 420 de Lachine demeurent en suspens. Les patients utilisant le cannabis pour soulager leurs douleurs chroniques sont contraints à retourner s'approvisionner sur le marché noir. Et que dire de l'ineptie de ce petit gouvernement provincial qui réclame sans cesse plus de pouvoir à Ottawa, mais qui a complètement négligé de s'investir dans la question du cannabis médical alors qu'une brèche était grande ouverte. Qui a juridiction en matière de santé? C'est à se le demander!  On oublie enfin que le chanvre a été cultivé pendant des millénaires et constituait l'un des produits d'exportation les plus importants jusqu'au 19e siècle. Jusqu'à ce que des plantes fossilisées (le pétrole) remplacent la source de nourriture et d'énergie formidable et renouvelable qu'elle constituait. L'aberration nommée « prohibition du cannabis » est née en Californie en 1913, et j'ose espérer qu'elle prendra fin dans ce même État la semaine prochaine. Mais ce qui concerne notre « plusse meilleur pays », je n'entretiens plus aucun espoir. Les conservateurs préparent en catimini leur projet de loi établissant des sentences minimales obligatoires, en dépit des preuves scientifiques de leur inutilité, et scellent ainsi le plus grand recul des droits individuels qu'aura connu le Canada. Justement, j'oubliais... ce dénommé Marc Emery, citoyen canadien qui a été extradé vers les États-Unis pour purger une peine de prison de cinq ans, alors qu'il n'a jamais été poursuivi ni arrêté au Canada pour ses activités de vente de graines de chanvre par Internet ! Comprenne qui pourra.

Pierre-Étienne Paradis, Montréal

Pour un coup politique fantastique

Comment peut-on être contre la légalisation de la marijuana? Légaliser la marijuana, c'est premièrement assommer le crime organisé canadien et québécois. Si le crime organisé devient moins payant, il sera assurément moins attrayant. Nous en connaissons qui opterait peut-être pour un "vrai" boulot à la place. Légaliser la marijuana, c'est aussi empêcher les consommateurs de côtoyer des « pushers ». Pas seulement pour une question de sécurité sociale, mais c'est souvent en côtoyant des « pushers » que les jeunes se font repêcher dans le milieu. Encore une fois, nous parlons par expérience. Troisièmement, légaliser la marijuana, c'est évidemment créer une source de revenu considérable à l'État. Je suis pour une production et une commercialisation étatique, afin de contrôler la qualité de la plante consommée et de maximiser la source de revenus à l'État. Enfin, j'aimerais rappeler aux médecins - qui s'y opposent généralement - que, légale ou pas, le nombre de consommateurs de marijuana va rester sensiblement le même. L'exemple de la Hollande confirme cette théorie. Somme toute, d'un point de vue symbolique, la légalisation de la marijuana est synonyme de liberté, de maturité collective, d'ouverture d'esprit et de modernité. Ça serait un coup politique fantastique pour le Canada, non?

Xavier Martel

Une illégalité nuisible

Soyons francs, trop de gens confondent la moralité ou la légalité d'une chose. La drogue à des fins récréatives, si inoffensive soit-elle, est une mauvaise habitude et crée une dépendance. Cela ne doit pas pour autant signifier qu'il faille la prohiber, au contraire. L'interdiction de l'alcool aux États-Unis au siècle dernier a bien démontré les limites de l'encadrement pénal pour améliorer les comportements sociaux. Il y a simplement des choses que les êtres humains ont toujours fait et feront toujours. J'ai la profonde conviction, à l'instar de Nietzsche, que les individus les plus dangereux sont ceux qui croient sincèrement qu'il faille améliorer la nature humaine afin de nous rendre bons... En réalité on ne saurait travailler que sur nos conditions d'existence et favoriser l'éclosion d'une nature dotée d'un jugement plus sûr mais acquis plutôt par l'expérience individuelle et non pas inculqué par une idéologie, un acte de foi... ou une loi.

Car, entendons-nous, si on veut détruire une chose c'est parfois une erreur de s'y attacher négativement (les ex-fumeurs me comprendront). Il serait plus judicieux d'encadrer le comportement, de le rendre bénin, voire ridicule, le discarter en fait comme un mal qu'il serait nécessaire de tolérer dans son environnement. Alors les gens l'abandonneraient d'eux-mêmes, car ils seraient dès lors obligés de douter eux-mêmes de leurs motivations, personne ne les y obligeant.

Je crois beaucoup à l'information. C'est avec beaucoup de connaissances et raisonnablement d'expérience qu'on acquiert -ou pas- un peu de sagesse. L'illégalité de la drogue la rend difficile à connaître, à comprendre, à gérer, à circonscrire. En la déclarant criminelle on la criminalise aussi d'un même élan, la forçant dans un commerce illicite et indûment lucratif, enrichissant des réseaux sociaux autrement plus nocifs au bien commun que le petit joint occasionnel des béats de ce monde.

En le prohibant, on refuse la confiance au jugement des familles, dans les valeurs qu'ils tentent d'inculquer à leurs enfants, et leur capacité à faire respecter la discipline d'une vie saine et pro-active.  On refuse de reconnaître l'existence du comportement comme une chose qui fait partie de la vie humaine et de son apprentissage. Car entendons nous derechef, on ne parle ici de rien de rare, ni de mortel, ni de vraiment dangereux dans l'immédiat... On parle d'un comportement qui chez certains individus, dans un pourcentage évaluable, devient un abus, qu'on appelle toxicomanie, et qui doit être soigné, et non pas condamné. Et dont le pourcentage de réussite dépend surtout de la reconnaissance du problème ( ce qui sera plus facile bien sûr si on peut en parler ouvertement). Et puis, si les enfants ne sont pas obligés de se cacher pour en trouver, ne sera-ce pas plus facile de leur interdire une chose que ne devrait tenter qu'un adulte averti ?

Il y a toujours eu, et aura toujours de la drogue, de la prostitution, de la déviance dans la société, et ô combien d'autres monstres encore. Il est plus efficace et plus intelligent de les soigner comme des maladies que d'en tenter l'ablation comme si c'était une invasion surnaturelle contre la volonté de Dieu.

Les ignorants veulent brûler les sorcières. Il est peut-être temps qu'on comprenne que la magie, ça n'existe pas, que la normalité, la moralité, ça se discute, ça évolue, et que les gens pas normaux, c'est toujours mieux de leur présenter un psychiatre que de les envoyer en prison.

Sébastien Côté, Sherbrooke, 34 ans

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J'ai 27 ans et jamais je n'ai eu connaissance d'un réel débat concernant la légalisation de la marijuana au Canada. En cette période de récession et de compression budgétaire, les avantages économiques sont indéniables. Dans l'éventualité d'une légalisation et d'une nationalisation (à l'instar de la SAQ), les bénéfices seraient énormes. Profit de la vente, revenus de taxation, économie sur les enquêtes policières, sur les poursuites devant les tribunaux et sur les subventions au délateur, notamment. Autre avantage indéniable, le coup dur porté au revenu facile tiré de cette industrie par les gangs de rue et autres gangs criminalisé, qui empochent des profits astronomiques via la vente de drogue douce.

À titre d'exemple, l'opération SharQ a coûté des millions de dollars et à certainement affaiblie les groupes de motards. Il semble que le procès à lui seul coûtera plus de 11 millions de dollars. Mais à l'instar du pissenlit qui repousse si l'on n'enlève pas la racine, une nouvelle bande de vendeur de drogue prendra la place de ceux que nous avons envoyé en prison, encore à nos frais, et ce très rapidement. La raison est simple, il existe un marché immense et les profits sont très, très intéressants.

Dans ce contexte, il me semble que nous avons deux choix: se mettre la tête dans le sable en essayant en vain de couper un pissenlit qui repoussera sans cesse au prix d'effort et de budget récurrent. Ou prendre ce qui me semble être la seule décision logique et légaliser ainsi que nationaliser cette industrie afin notamment de nuire à cette sources de revenu des criminels.

La question: cette légalisation ne risque-t-elle pas d'augmenter considérablement la consommation de marijuana au Québec..... Peut-être en effet. Mais les effets sur le comportement sont moins dangereux pour la conduite automobile ou en terme d'agressivité que l'alcool, et ceux sur le santé ne sont certainement pas pire que la cigarette. D'ailleurs, cette substance nommée marijuana semble plus naturelle que la cigarette et ses nombreux produits toxiques.

Nous n'avons plus les moyens de se mettre la tête dans le sable, nous devons utiliser ces revenus au profit de tout les Québécois, de la santé et de l'éducation, et non laisser le monopole aux gangs criminalisés.

Je serais par contre surpris qu'un politicien ait le cran de suggérer une telle proposition. Le statu quo, dans tous les domaines et peu importe ses effets négatifs, semble si confortable.

Jean-Philippe Miville



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Oui à la légalisation

Oui. Parce que fumer un joint entre amis ou boire une bouteille de vin, c'est pareil à mon humble avis. Parce qu'il nous en coûte trop cher à nous, payeurs de taxes, de financer tous ces procès et séjours en prison de ces mariculteurs / trafiquants. Parce qu'il serait possible pour l'État d'en tirer même des revenus. Parce qu'on s'attarderait à produire une marijuana de meilleure qualité, contrôlée et avec informations à l'appui. Terminées les salles de cultures clandestines et dangereuses. Aucun intérêt d'en produire une fois légalisée et contrôlée par l'État. Le temps gagné qu'on perdait à lutter contre celle-ci, et les fonds recueillis par ces retombées nouvelles, pourraient être combinées et utilisées à combattre le véritable fléau: les drogues dures, la criminalité qu'elles génèrent et les vies qu'elles détruisent.

Alexandre Côté, Sherbrooke



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Consommation répandue

Peu importe ce qu'on en dise, une chose est certaine, c'est que le cannabis est un produit de consommation répandu. Bien que les moyens de se le procurer passent par le biais du marché noir, ce n'est pas plus difficile à obtenir que du pain ou du lait, et ce malgré des milliards investis dans la lutte antidrogue. Il me semble que pour couper l'herbe sous le pied du crime organisé, ça serait une bonne façon de réagir. On légalise le pot et on se sert des profits pour financer la lutte aux organisations criminelles.

Frédéric Boudreault, 34 ans, père de trois enfants, qui fume encore

de temps en temps un petit joint avec sa blonde.