Une étude réalisée pour le Service de police de la Ville de Montréal, dont La Presse a obtenu une version préliminaire, montre que les jeunes noirs sont interpellés beaucoup plus souvent que les jeunes blancs dans les quartiers Montréal-Nord et St-Michel. Selon l'auteur, le criminologue Mathieu Charest, «la proportion des jeunes noirs soumis à des contrôles d'identité atteint des seuils alarmants dans ces quartiers.» Selon vous, les policiers montréalais se livrent-ils à du profilage racial, comme semble le démontrer cette étude ? Cela pourrait-il expliquer l'émeute survenue à Montréal-Nord il y a deux ans?



MERCI DE NOUS AVOIR FAIT PARVENIR VOS COMMENTAIRES

La politique de l'autruche

Le SPVM peut continuer de jouer à la politique de l'autruche, le profilage racial à Montréal est une réalité. Je le vis comme Noir. Et il a été déjà démontré dans d'autres études précédemment, comme celle du Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales et les discriminations (CREMIS) en mars dernier. Selon l'étude, les jeunes Noirs couraient 4,2 fois plus de risques que les jeunes Blancs d'être interpellés par la police de Montréal en 2006-07. Dans les quartiers où la population noire est peu présente, comme Outremont, Hochelaga-Maisonneuve (HoMa) ou le Plateau Mont-Royal, c'est encore pire. Un jeune Noir y court sept à onze fois plus de risques qu'un jeune Blanc d'être abordé par les forces de l'ordre. Fait intéressant, selon le dernier bilan du SPVM dans sa lutte contre les gangs de rue, «bien que ces gangs ne soient responsables que de 1,6% de tous les actes criminels recensés en 2009, ils constituent toujours la principale cible de la police». Et pourtant, la population a l'impression que presque tous les crimes commis à Montréal sont le fait des gangs de rue. Le directeur adjoint, Jacques Robinette, a reconnu que la population accordait «beaucoup d'ampleur, et peut-être un peu plus d'ampleur qu'on le constate sur le terrain», aux gangs. N'empêche. La police garde le cap. Incroyable. Cela veut dire que la police concentre ses efforts à conforter les perceptions de la population au lieu de traiter les vrais problèmes de sécurité tels que vécus dans la réalité. L'année dernière, j'avais comparé les données de criminalité de deux quartiers pauvres de Montréal, à savoir Montréal-Nord et HoMa, un quartier «pure laine» et j'ai remarqué qu'il y a plus de vols dans HoMa que dans Montréal-Nord. Étonné? En 2008, le poste 23 qui couvre le quartier HoMa, a enregistré 3995 vols (crimes contre la propriété) contre 3223 vols pour le poste de police 39 qui couvre Montréal-Nord. Pour l'ensemble des crimes incluant les vols, c'est 6572 pour HoMa contre 6261 pour Montréal-Nord. Ces chiffres nous prouvent une chose au-delà des races et de la couleur: quartier pauvre implique plus de criminalité. Et pourtant, la police est plus conciliante et communautaire dans HoMa alors qu'elle talonne les jeunes jusque dans les parcs dans Montréal-Nord. Mieux, c'est toujours Montréal-Nord qui fait la une des médias. Je vis dans Hochelaga-Maisonneuve depuis six ans et je constate que l'approche de la police est complètement différente, compréhensive de la pauvreté que vivent les jeunes de ce quartier. Je me suis fait cambrioler deux fois et la police trouvait cela «normal» ou pas surprenant pour ce quartier. Et le seul conseil que j'ai reçu, c'est de prendre une bonne assurance. De toute façon, la police ne peut rien contre ce genre de crime, tellement c'est fréquent, selon le poste de police 23. Est-ce qu'on peut parler de deux poids, deux mesures?

Shad Binazo, Montréal

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Une police pluriethnique

Selon moi, le policier montréalais moyen ne réagit sur ce plan ni mieux ni pire que tout policier moyen de la planète. La plupart des gens se livreraient d'instinct à du profilage racial, ethnique, social, culturel, psychologique et autres, car selon des études, il s'agirait là d'une caractéristique universelle par défaut. À titre d'exemple, même si le français est langue commune ici et dans plusieurs autres pays, les références culturelles diffèrent parfois au point de ne plus se retrouver sur la même longueur d'onde au sein de la francophonie. La familiarité existante entre des membres partageant de mêmes références culturelles engrange une complicité naturelle, et à l'inverse, une mécompréhension spontanée et des inférences biaisées vis-à-vis des autres communautés culturelles et ethniques. Or, au moment d'évaluer une situation, le policier montréalais moyen se doit de se baser sur ses interprétations qui seront, parfois fatalement, plus ou moins équivoques à l'égard des immigrants. Et ce policier détient un pouvoir considérable. Une solution efficiente de contrer les dérives «racistes» consisterait pour le SPVM d'embaucher des policiers issus de différentes origines, démontrant ainsi une ouverture essentielle au bon fonctionnement d'une société pluriethnique.

Goran Tufegdzic

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C'est normal!

Les gens s'offusquent du profilage racial, mais en même temps, c'est normal! Qui ne fait pas du profilage dans son travail? Les politiciens, les restaurateurs, les publicistes et, évidemment, les policiers. Le profilage est présent partout. Les policiers ne profilent pas uniquement les races. En auto, ils visent les jeunes et les Honda Civic. Dans les parcs, ceux qui sont enclins à faire partie d'un gang de rue. En moto, les bombes (pour la vitesse) et les Harley (pour le bruit et les gangs criminalisés). Dans un métier comme celui de policiers, ça ne leur sert à rien d'accoster une dame de 80 ans! Mais un adolescent, noir, et en plus dans un quartier chaud et criminalisé où la majorité est noire! Comme sondage, c'est un peu bidon! Il est évident que les policiers vont interpeller plus souvent des jeunes noirs que des jeunes blancs à Montréal-Nord ou à Saint-Michel: ils sont plus nombreux! On ne dit pas, à la blague, Montréal-Noir pour rien... Faites le même test à Saint-Eustache: plus de Blancs seront interpelés vu qu'il y a très peu de Noirs! En soi, ce n'est pas du racisme. Du profilage, est-ce que ça existe? Oui. Est-il racial? Non, mais il catégorise par contre et c'est, par définition du profilage, normal!

Jonathan Fortin

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Agir ou laisser passer?

Le directeur adjoint du SPVM, Jean-François Pelletier, ne devrait pas remettre en question les chiffres, car ces chiffres lui donnent raison. Selon l'auteur de l'étude, Mathieu Charest, «la contribution des communautés noires au volume de crime est de 10% à 20%.» (!?) Mettons 15%. Dans La Presse de lundi, page 19, Ariane Krol nous apprend dans son éditorial que les Noirs représentent seulement 7% de la population montréalaise. Donc 7% d'une population définie est responsable de 15% de la criminalité. Je me trompe? Mais passons. Les policiers ne sont pas assis derrière un clavier à cogiter des études et encore moins à pondre des éditoriaux. Ils font un travail de terrain. Ils vivent des situations réelles. Ils sont confrontés à des événements qui les mettent dans des positions délicates: agir ou laisser passer? Agir et prendre le risque de se tromper? Ou laisser passer et prendre le risque qu'un acte criminel se produise sous leurs yeux sans être intervenu? La communauté noire a un énorme examen de conscience à faire. Mais de cela, jamais on ne parle. C'est politiquement très incorrect. La question que l'on peut se poser par contre c'est pourquoi ici comme à Toronto et partout ailleurs en Amérique, il existe chez les policiers une telle chose que l'on appelle le «profilage racial»? C'est personnes sont-elles toutes d'indécrottables racistes? Ces personnes ont-elles toutes une haine viscérale des Noirs?

Luc Santerre, Montréal

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Oui au profilage

Certainement que ça existe, le profilage racial, et je suis pour. C'est un des moyens nécessaires pour nous protéger. Je commence à en avoir assez des médias qui se cherchent des scoops pour engendrer la controverse. J'en ai assez de voir les médias couvrirent les conférences de presse pour nous exposer aux lamentations de quelques imbéciles qui veulent sanctifier Villanueva. Aujourd'hui, un parc en son nom, et demain, une statue.

Charles Thibault

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Pourquoi changer de trottoir?

Je ne peux éviter de sourire quand je lis les commentaires de personnes qui, cherchant à se protéger d'être accusées de racisme, clament haut et fort qu'elles ont des amis noirs, arabes, latinos ou autres. Ayant travaillé pendant de nombreuses années dans le milieu des relations interculturelles, je peux affirmer que le fait d'avoir des amis appartenant à une minorité ne vous immunise pas aux préjugés. Cela étant dit, une personne qui change de trottoir lorsqu'elle voit un group de jeunes noirs (je suppose que cela ne se passe pas comme ça lorsqu'il s'agit d'un groupe de jeunes blancs) peut être l'ami de Barack Obama, elle a quand même de gros préjugés. Vous pouvez être un admirateur de Nelson Mandela, vous pouvez verser même des larmes en écoutant I Had A Dream de Martin Luther King et vous allez quand même changer de trottoir! Le préjugé est une réaction qui puise sa source dans vos peurs. À la peur de l'inconnu, on ajoute celle du méconnu. Si je peux donner un conseil à ces personnes qui changent de trottoir, c'est de se demander de quoi elles ont peur au juste. Vous ne pouvez passer votre vie à éviter les autres. Surtout, essayez de comprendre qu'elle serait votre réaction si quelqu'un cherchait sans raison à vous éviter.

Diego Rivera

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Contrôles et criminalité

Bien sûr que le profilage racial existe. De la même façon, les hommes sont plus souvent interpellés pour des contrôles d'identité que les femmes. Et on trouve ça parfaitement normal, car les hommes sont surreprésentés parmi les criminels. Si la preuve est faite que parmi les criminels, un groupe donné est surreprésenté, il est légitime qu'il soit aussi surreprésenté dans les contrôles policiers dans la même proportion. Selon le criminologue Mathieu Charest, les noirs sont surreprésentés dans les contrôles par un facteur 4. Est-ce réaliste de croire que, toutes proportions gardées, les noirs commettent 4 fois plus de crimes? J'en doute. Mais ces chiffres sont tabous et difficiles à obtenir. Il est normal que les policiers identifient et cibles des groupes «à risque». L'efficience de leur travail en dépend. Mais si le profilage devient hors proportions, leur démarche peut, à juste titre, s'assimiler à de l'intimidation. J'ignore si c'est le cas actuellement à Montréal.

Alexandre Nadeau

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Une approche logique

Pourtant, tout le monde fait du profilage tout le temps. Si la grande majorité des crimes étaient commis par des Blancs dans certains domaines ou secteurs, les policiers surveilleraient davantage les Blancs. La mafia étant composée très majoritairement d'Italiens, les enquêtes relatives à ces groupes ciblent davantage les Italiens. La classe politique étant majoritairement composée de Blancs, les médias ciblent surtout des Blancs sur ces questions. Lorsque La Presse veut faire un reportage au sujet des extrémistes musulmans, le travail de recherche et d'enquête porte surtout sur les musulmans. Le restaurateur qui se spécialise en produit kascher installe son restaurant dans un secteur où il y a plusieurs juifs. Le profilage en soit devrait être vu comme une approche saine et logique à moins qu'il ne soit fait dans le but de nuire à une race ou groupe particulier de citoyens, non? Y a-t-il quelque chose qui m'échappe ou que je n'ai pas compris?

Yves Campagna

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Comprendre les policiers

Non au profilage racial. Mais je me permets de me mettre du bord des policiers, qui ont parfois à prendre des décisions en une nanoseconde qui peuvent souvent changer une vie. Combien d'entre nous avons à prendre une décision qui peut mettre nos vies en danger en une année,

comparativement à ce à quoi un policier est confronté à chaque jour ? Faudrait aussi regarder ce qui se passe aux Etats-Unis. Quelles sont les villes les plus criminalisées et faire un lien (s'il existe) avec ce qui se passe ici. Dans l'affaire Villanueva, n'avait-il pas un casier judiciaire, refusé de s'identifier ? Si j'étais moi-même interpellé et que je refusais de m'identifier tout en ayant un casier judiciaire, ne pensez-vous pas que le policier prendrait un peu plus de précaution que face à un citoyen sans histoire, même si la couleur de ma peau est blanche ? Quand ça ressemble à un canard, ça boite comme un canard, ça doit être un canard.

Denis Nickner

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Réapprendre à vivre ensemble

Depuis longtemps, je trouve dommage cette peur de l'étranger ou de la différence. En un sens, l'attitude des forces policières de Montréal-Nord ou St-Michel ne sont que le reflet de notre propre incapacité à l'accueil et aux partages des joies et misères de l'espace urbain. C'est du sarkosisme honteux et affligeant. Nous avons tendance à humilier et parquer cette «racaille» dans des couloirs de vie où la misère et le désespoir ne ressemblent en rien au respect et à l'accueil dû à tout être humain. La commission d'enquête interminable suite au décès par balles policières du jeune Fredy Villanueva et aux blessures de deux de ses copains est depuis longtemps empêtrée sur l'appartenance ou non à des gangs de rue alors que la vraie question est de savoir si l'agent Lapointe a agi dans les limites du respect de la vie et avec un minimum de discernement et de contrôle personnel. Nous devons tous réapprendre à nous côtoyer et à nous solidariser pour que cette ville soit un lieu de solidarité, de partage, d'accueil et d'aide élémentaire à ceux et celles qu'on a trop tendance à confiner et à isoler à la marge du découragement et d'une incontrôlable révolte.

Jacques Léger, Montréal

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Qui blâmera les policiers?

Bien sûr que ça existe, le profilage racial. Et le signataire ne s'en indigne pas, bien que les médias semblent s'en faire, à l'opposé de la population en général. Je suis convaincu que les policiers ne le font pas volontairement. Par le subconscient peut-être, mais patrouillant un district où la majorité des crimes sont commis par des Noirs, qui les blâmera? Je fais du profilage racial moi-même. Si je marche dans une rue déserte tard le soir et que je vois des jeunes Noirs venir de la direction opposée, je changerai de trottoir immédiatement et me tiendrai sur mes gardes. J'ai demandé à l'un de mes meilleurs amis qui est Noir si je devrais me sentir coupable et il m'a répondu que dans la même situation, il ferait comme moi.

Je ne me promènerais jamais dans certaines parties de Montréal-Nord ou de Saint-Michel après la tombée du jour où des groupes de jeunes Noirs à l'allure peu rassurante sont chose courante. J'aurais aimé que le rapport auquel vous faites allusion contienne, en plus des données statistiques, la description du type d'individu accosté par les policiers et l'heure à laquelle c'est arrivé. Pour reprendre une vieille expression populaire, je mettrais ma main au feu qu'il n'y a pas beaucoup de braves étudiants universitaires ou de travailleurs à plein temps parmi ceux-ci et que la majorité des incidents eurent lieu tard le soir ou durant la nuit. Je suggère donc que l'on fasse confiance à nos policiers et que l'on ne donne pas l'occasion à des groupuscules comme le CRAP de commanditer d'autres mini-démonstrations qui n'ont pas le moindre support populaire. Devrai-je créer le Collectif (mot abusé à Montréal) de la majorité silencieuse?

René Miglierina, Montréal

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Le look, plus important

Bien sûr, le profilage racial existe, il n'y a pas de doute la dessus, mais en est-ce bien? Ou plutôt qu'est-ce qui suscite l'intérêt de la police sur tel type d'individu plutôt que tel autre?
 L'homme noir en complet et cravate attire-t-il autant l'attention que le blanc? Le jeune avec des pantalons dont le fond de culotte pend aux genoux est-il plus sujet à l'attention des policiers que celui qui porte un uniforme de travail de McDo? L'homme à la peau foncé, barbu, cheveux noirs mais tout à fait propre a-t-il le même intérêt si vous lui ajoutez un turban sikh ? La femme voilée et celle qui ne l'est pas? L'homme en uniforme et l'autre en vêtements de camouflage? Est-ce que c'est la couleur qui attire le regard ou un look général? Est-ce que la mode qu'adoptent certains groupes d'individus les fait devenir la cible de l'attention des policiers? Est-ce que les personnes masquées dans une manifestation quelconque espèrent vraiment passer inaperçues? Vous entrez dans une banque, habillé de vêtements amples, et l'autre de vêtements très ajustés, est-ce la couleur de votre peau qui justifiera une attention plus marquée? La femme habillée sexy et l'autre en tailleur 2 pièces? 
Le profilage peut-être? Mais le look général est de loin plus important.

Michel Lasalle, St-Jérôme

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Versions différentes

On se sert de l'affaire Villanueva pour dénoncer le profilage racial. Peut-on parler de profilage racial quand la personne interpellée a un casier judiciaire, est en infraction et refuse de s'identifier? Si un meurtre vient d'être commis et que la description du suspect est un Asiatique avec des pantalons rayés rouges, est-ce que c'est du profilage racial si un Chinois avec des pantalons rayés orange est interpellé dans le quartier où s'est produit le meurtre? Les définitions sont toujours différentes selon celui qui les commente.

Que serait-il arrivé si (supposition tout à fait plausible étant donné les circonstances plutôt confuses du 9 août 2008) un policier était mort? Est-ce qu'on traiterait celui qui l'a tué d'assassin? Est-ce qu'on afficherait sa photo un peu partout en l'accusant de meurtre? Est-ce qu'on voudrait nommer un parc au nom du policier? Non, on ne parlerait probablement même pas du policier décédé (c'était un risque de son métier après tout). On excuserait le tueur en mentionnant que, sentant sa vie en danger, il s'était tout simplement protégé.

Pourquoi ne dit-on pas que les frères Villanueva courent tout simplement un risque «du métier» en agissant comme ils le font (vol qualifié, possession d'armes, membres de gangs de rue, etc.)? Quand un policier meurt en devoir, c'est banal. Quand un délinquant, un criminel ou un suspect meurt «au travail», c'est une injustice épouvantable.

Les versions, les réactions, les définitions diffèrent selon notre sexe, notre âge, notre couleur, nos antécédents, notre famille, etc.

Hélène Jodoin, Joliette

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Profilage quotidien

Le profilage peut être racial mais il peut aussi être linguistique et «anti-sales-manifestants», comme à Toronto!

Essentielle est la discussion sur cette fameuse question du profilage, question ultra-sensible si jamais il en fut.

Disons, dans un premier temps, que tous les humains, d'une manière éminemment «normale» (quel mot dangereux et piégé que le mot «normal»!), se livrent à un profilage presque quotidien et plus ou moins systématique, sans pour autant être «systémique». Lorsque l'on sonne à ma porte ou lorsque je déambule dans la rue, je me livre à un profilage prudent et éventuellement salvateur. Ce que je veux dire, c'est que je vérifie à qui j'ai éventuellement affaire et que, de manière plus ou moins juste ou injuste, il m'arrive, face à certaines tronches ou attitudes, d'éprouver un sentiment de dangerosité ou de risque. Il peut m'arriver, face à une personne tout à fait pacifique, de trouver que cette personne, selon mes pauvres petits critères plus ou moins arbitraires, semble avoir une «sale gueule» et suscite chez moi une impression désagréable, voire menaçante. Nier ce profilage anthropologiquement et sociologiquement élémentaire, c'est risquer de sombrer dans le vertuisme, dans l'angélisme et dans la fameuse «correctitude» politique (et sociale). Aussi, j'ajouterais, en risquant de passer pour un monstre raciste et xénophobe, qu'au lendemain du 11 septembre 2001, il y a eu une période au cours de laquelle il était «normal», sans pour autant être un «bushien» enragé, de se méfier des «arabes» et des musulmans. Une attaque venait d'être faite au nom d'une religion qui tout à coup semblait hostile et menaçante. En même temps, il est clair que cela a fourni aux indécrottables racistes invétérés et militants une occasion de tourner le couteau dans la plaie et de tout faire pour augmenter la haine, la xénophobie et la méfiance frôlant la paranoïa.

En ce qui concerne la situation montréalaise, je pense, avec tristesse et dépit, que les données qui sont présentées indiquent qu'il y a, dans la métropole, de nombreux flics qui «pratiquent» le profilage racial (et ethnique). Aux yeux de ces «représentants de l'ordre», le fait qu'il y ait plus de criminalité ou de délinquance dans certains secteurs urbains leur donne peut-être l'impression qu'ils ont raison de se méfier des citoyens et citoyennes appartenant à certaines catégories raciales ou ethniques. Si cela devient vraiment systématique et habituel, c'est éminemment inquiétant. Si cela devient systémique, si cela devient un système bien implanté, alors là il y a mille et une raisons de s'inquiéter. L'institution policière est vraiment une entité bizarroïde. Au cours des 40 dernières années, depuis la crise d'octobre 1970, on a tout fait pour que les flics soient plus instruits et plus informés. La plupart ont suivi des cours de philosophie et de sciences humaines. Mais les attitudes discriminatoires persistent et c'est désolant. Il est normal que les policiers soient prudents et protègent leur vie mais je ne vois pas, cela étant dit, pourquoi on arrête le conducteur d'un véhicule automobile en se fondant sur le simple fait que sa peau n'est pas «blanche». Toutefois je pense aussi qu'il ne faut pas trop sanctifier ou béatifier les Villanueva et leurs amis. Mais ce qui est arrivé est grave et il faut faire la lumière sur tout cela, de manière sereine et avisée.

Je termine en ne félicitant pas les pigs de Toronto qui, eux aussi, discréditent l'essentielle institution policière. En 2010, tout cela est d'une tristesse infinie!

Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias

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Évident

Je crois que de poser la question, c'est un peu comme y répondre : ma défunte mère dirait : «The proof is in the pudding !»

François Tessier, Montréal