«Je suis avec vous chaque jour jusqu'à la fin du monde.» À en croire un récent sondage indiquant qu'un peu moins de la moitié des Québécois se disant catholiques croient en Jésus en tant que sauveur, cette promesse faite par le Christ ressuscité dans l'Évagile n'est plus guère prise au sérieux. Ainsi, on peut se demander quelle portée spirituelle conserve Pâques, la grande fête de la résurrection.

Contrairement aux apparences, le contexte pluraliste et le processus d'exculturation du christianisme au Québec peuvent servir l'approfondissement de la croyance en la résurrection du Christ. Car à moins de faire l'autruche, les chrétiens ne peuvent plus, comme à une certaine époque, croire et se comporter comme si l'existence de Dieu était une évidence.

Tout d'abord, c'est là un constat préservant les croyants d'une arrogance qui les a trop longtemps disqualifiés en tant que chercheurs de vérité. Face à leurs interlocuteurs sceptiques, des catholiques pouvaient encore avancer avec confiance, jusqu'à tout récemment: «Si tu raisonnes droitement, avec un esprit sans complaisance pour le péché, tu verras clairement que Dieu existe». Scandalisé par la mauvaise foi intellectuelle de ces gens, Jean-Paul Sartre les qualifiait carrément de «salauds».

Il faut dire que très longtemps, le divin fit partie des meubles des sociétés humaines. Un célèbre personnage de Dostoïevski l'explique ainsi: s'adressant au Christ revenu sur terre, le Grand Inquisiteur le raille, affirmant que le véritable souhait du coeur humain n'est pas tant d'être aimé que de s'incliner devant une puissance indiscutable lui assurant du pain et des jeux.

Rien à voir avec un Dieu caché tellement humble qu'il accepte le châtiment le plus infamant plutôt que de s'imposer. Et la contrepartie de la discrétion d'un Dieu se révélant en un homme, Jésus, dont on n'a aucune preuve scientifique de la résurrection, c'est que la foi en lui relève d'une option. Dans la logique de la foi, le «comme c'est vrai!» s'accompagne toujours d'un «oui je le veux!»

Mais qu'est-ce qui peut pousser un coeur humain à soupirer ce «oui je le veux» ? Pour la même raison motivant un homme amoureux à signifier à sa douce moitié: «J'aurais sans doute pu continuer à vivre comme je le faisais, mais maintenant que tu t'es manifestée à moi, je ne m'imagine plus vivre sans toi. La vie, avec ses grandeurs et ses misères, oui... mais pas sans toi!».

Comme rien ne peut prouver à une femme qu'elle a trouvé «le bon», que son mariage réussira, ainsi en va-t-il pour Dieu. Le mariage et la foi ne sauraient être réduits à une affaire de pure rationalité. Mais ils peuvent être raisonnables, au sens où on agit raisonnablement quand on prend une option qui a bien des chances de se révéler juste et qui nous rend le monde de plus en plus transparent à mesure qu'on s'y risque.

Pas question pour autant de dénigrer les autres options. Devant la perspective d'être sans remède contre notre soif d'amour inconditionnel et d'immortalité, il y a certes une grandeur tragique, qui ne manque pas de noblesse parfois, à choisir d'assumer cette possibilité sans broncher et sans ménager ses efforts pour servir tout de même ses semblables.

Mais il me semble que cette option, pour garder sa beauté et sa chaleur humaine, exige une constance de force morale dont la plupart d'entre nous sont dépourvus. Ça me parait élitiste. Et pessimiste.

Dans la résurrection du Christ, au contraire, jaillit une source, inépuisable et largement accessible, de motivation pour le bien. Je crois qu'il est plus facile d'aimer le monde et de nous aimer, de cesser nos guerres mesquines largement dues à notre sentiment de précarité, quand Dieu nous murmure à l'oreille cette parole qui sauve: «Pas sans toi».

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