Il y a quelques jours, le groupe État islamique (EI) a perdu le contrôle de Ramadi, une grande ville irakienne, qu'il tenait depuis six mois. Cette défaite s'ajoute aux nombreux reculs encaissés par l'EI au cours des dernières semaines. De là à conclure, comme le fait le premier ministre irakien, à l'élimination de l'EI en 2016, c'est pousser loin le communiqué de victoire.

Les défaites de l'EI sont pourtant inévitables. Le groupe terroriste est victime de ses premiers succès et se heurte à deux maux : la « surextension » et l'enclavement.

L'expansion géographique de l'EI en 2014 s'est déroulée rapidement, trop rapidement pour que le groupe tienne l'ensemble d'un vaste territoire aussi grand que le Royaume-Uni, à cheval entre l'Irak et la Syrie, mais à peine peuplé de six millions d'habitants. Le terrain est essentiellement désertique et les terroristes doivent se concentrer dans les villes et protéger les axes routiers qui permettent de maintenir les communications entre eux et de se livrer à un trafic en tout genre afin de financer leur « califat ».

Avec quelque 30 000 combattants, il est impossible de tenir des lignes logistiques sur une telle étendue sans se disperser et subir de lourdes pertes. Et c'est ce qui arrive depuis le début des bombardements, il y a 18 mois. Les routes sont une après l'autre fermées, les points d'entrée vers la Turquie, bloqués, les convois de pétrole, pulvérisés, l'afflux de combattants étrangers, fortement ralenti, les troupes de l'EI, violemment dispersées sous un déluge de feu.

Grâce aux bombardements de la coalition et à l'appui des forces américaines et alliées au sol, l'armée irakienne et les milices sunnites fidèles au régime irakien ont commencé cet été à récupérer le terrain perdu. Cette vitalité de l'armée irakienne découle en partie de l'accord nucléaire entre l'Iran et l'Occident. En effet, depuis juin, le gouvernement chiite à Bagdad, sur instruction de Téhéran, cherche à rebâtir une relation avec les sunnites exclus du pouvoir depuis la chute de Saddam Hussein. Le tout est fragile, mais il soude pour le moment les Irakiens déterminés à combattre l'ennemi commun et consolide l'influence de l'Iran dans la région.

L'EI recule et est forcé de se rabattre sur la ville irakienne de Mossoul qu'il tient depuis deux ans et sur une partie de la Syrie. Ce territoire est enclavé. À peu près rien ne sort ni ne rentre. À terme, ce sera l'asphyxie.

Il reste que cette guerre contre l'EI ne relève pas seulement de la technique et de la géographie.

Les terroristes sont oxygénés par une puissante idéologie radicale et apocalyptique qui leur permet de tenir. Un témoignage de première main, celui du journaliste allemand Jürgen Todenhöfer, nous éclaire là-dessus.

À 74 ans, le journaliste vient de passer dix jours avec les tueurs de l'EI. Ceux-ci jurent d'exterminer tous les chiites (100 millions s'il le faut, disent-ils) et de conquérir le Proche-Orient, puis l'Occident. Ils attendent avec trépidation les Occidentaux à Mossoul.

« À Mossoul, 10 000 combattants vivent parmi une population de 1,5 million de personnes dans 2000 appartements, pas dans un seul endroit, donc il serait très difficile [pour des militaires occidentaux] de les combattre », a déclaré le journaliste à la chaîne Al Jazeera. En effet, la guérilla urbaine est un art presque distinct de la guerre conventionnelle. Et l'EI pense que les armées occidentales n'y sont pas préparées, sauf celle des Israéliens. C'est faux. Les Britanniques en Irlande du Nord et les États-Unis en Irak ont acquis une certaine expérience de cette lutte armée, et l'EI ne devrait pas sous-estimer ses ennemis.

Le plus difficile pour les Occidentaux et leurs alliés arabes, kurdes et turcs sera de déterminer si reprendre Mossoul maison par maison est un objectif politiquement acceptable, compte tenu des dommages que cela entraînerait. Il semble, pour l'instant, que la prudence et la patience seront observées au cours de cette prochaine phase de la lutte contre l'EI. Et il faudra aussi éliminer l'EI de Syrie et de Libye si on veut le neutraliser.

Quant à l'idéologie de l'EI, elle ne sera pas vaincue sur le champ de bataille. C'est un tout autre travail, politique et idéologique, que cela prendra.

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