Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, vient encore de surprendre. En janvier dernier, contre toute attente, ce jeune activiste de 41 ans conduit la coalition de la gauche radicale Syriza au pouvoir en battant les vieux partis. Aussitôt en place, il défie les créanciers de la Grèce et organise un référendum le 5 juillet pour rejeter leurs plans de rigueur, qu'il finit par accepter quelques jours plus tard. Voilà maintenant qu'il démissionne et demande au peuple de valider sa démarche et de lui accorder de nouveau sa confiance.

Il y a donc une méthode Tsipras. Le premier ministre a certainement compris que le temps des bravades et des psychodrames était terminé et ne menait à rien. Il veut passer à autre chose, d'où sa décision d'accepter les plans d'aide et de rigueur des Européens. La Grèce est insérée dans un ensemble économique et politique, l'Europe, auquel elle ne peut se soustraire. Cet ensemble lui a été largement favorable, quoi qu'on en dise, et les problèmes du pays sont essentiellement d'ordre interne : un État absent, un système fiscal incapable de stopper la fraude et l'évasion, et des partis politiques traditionnels corrompus.

La Grèce a maintenant besoin de stabilité afin de sortir de l'ornière. Pour y parvenir, Tsipras veut un gouvernement homogène et cohérent en mesure de rassurer ses partenaires européens et de mettre fin à la crise politique et économique où la Grèce est enfoncée depuis six ans.

Le premier ministre demande aux Grecs de lui accorder, le 20 septembre prochain, le mandat qu'il cherche. La conjoncture lui est favorable.

Sur le plan économique, les recettes d'une saison touristique record et les premières tranches versées cette semaine du plan d'aide de 86 milliards d'euros étalé sur trois ans arrivent au moment où le pays est de nouveau plongé dans la récession. C'est un baume temporaire, car les mesures de rigueur imposées dans le plan d'aide commenceront à faire sentir leurs effets dans les prochains mois. D'ici là, cette éclaircie offre à Tsipras un laps de temps suffisant pour lui permettre de se rendre à peu près indemne aux élections de septembre.

Sur le plan politique, le premier ministre n'a personne devant lui. Au cours des quarante dernières années, les Grecs ont essayé la gauche et la droite avec les résultats qu'on connaît. Les conservateurs et les socialistes sont discrédités. Avec Syriza, la gauche radicale est au pouvoir. La méthode Tsipras vient de la faire éclater. Hier, un groupe de 25 députés a annoncé la création d'un nouveau parti, l'Unité populaire. Son chef, l'ancien ministre de l'Énergie, a tiré à boulets rouges sur Tsipras, l'accusant d'avoir « cédé au chantage » des créanciers et de refuser de mener « la lutte jusqu'à la victoire » contre les plans de rigueur.

Une « gauche » de la gauche radicale vient de naître. Mais les Grecs veulent-ils vraiment emprunter ce chemin ?

Tsipras pense que non. Réaliste - cynique et menteur diront certains - , il est convaincu que les Grecs croient qu'il a tout fait pour le pays et qu'ils lui font confiance pour la suite des choses. « Je vous demande de décider si l'accord est valable pour sortir un jour des plans de rigueur » et « de savoir qui peut mener les réformes nécessaires », a-t-il dit lors du discours annonçant sa démission.

Les Grecs sont à bout. Six ans de crise économique, quatre élections, neuf plans de rigueur et trois plans d'aide internationale les ont usés. Ils ont protesté contre les « diktats » de Bruxelles et de l'Allemagne, tout en réaffirmant leur profond attachement à l'Europe et à sa monnaie. Tsipras leur offre l'occasion d'assumer leurs contradictions et de reconstruire le pays.

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