J’ai hésité longtemps avant d’écrire à ce sujet. J’ai hésité parce qu’au moment des faits, j’ai joué le jeu. J’ai ri. J’ai figé. J’ai « participé ». En fait, pour cacher mon malaise, j’ai fait semblant que la situation était drôle et banale. Et pourtant…

À l’époque, en 2013, j’étais au fond du baril. Après six semaines d’hospitalisation à Saint-Jérôme sans soins dignes de ce nom, j’ai accepté l’offre de mes parents d’aller dans une clinique privée pour traitement de la dépendance. Dépendance comme dans alcoolisme et toxicomanie… alors que je n’avais jamais eu de problème d’alcool ou de drogue. Mais ce que j’ai appris à cet endroit, c’est que mon problème – les troubles alimentaires – était exactement ce que vivent tous les addicts de ce monde. La substance était différente, mais le mal sous-jacent était le même.

J’étais la seule de toute la clinique qui était traitée pour un problème d’anorexie et de boulimie. Tous les autres patients y étaient pour traiter un problème de drogue ou d’alcool. Mais bien vite, en thérapie de groupe, l’évidence nous a sauté aux yeux : nous étions pareils.

À un détail près.

Dans mon cas, l’apparence physique et le poids étaient centraux à mes maux. Alors quand mon médecin traitant (et propriétaire de ladite clinique PRIVÉE) a commencé à me serrer dans ses bras en faisant des commentaires sur mes seins et ma shape en général, j’ai figé.

Je suis une personne qui s’affirme et qui ne se laisse pas intimider. Mais dans ce contexte « thérapeutique », où je venais chercher de l’aide après tant d’années à souffrir seule de mon côté, la réaction de mon médecin (et du personnel soignant à ses côtés) m’a troublée. À tous ses commentaires et caresses très publics où il commentait mon corps et mes seins, je répondais par un rire. Un rire jaune, un rire de malaise, mais un rire que je maîtrisais. Le rire de la fille qui ne veut pas attirer l’attention, qui ne veut pas faire de vague, qui ne veut pas décevoir.

J’étais dans cette clinique privée TRÈS coûteuse pour m’aider avec un trouble alimentaire qui minait ma vie depuis 20 ans. Ce que j’ai reçu en échange, ce sont des commentaires déplacés d’un PROFESSIONNEL de la santé censé m’aider.

Je n’ai pas parlé de ce que j’ai vécu à cette clinique jusqu’à aujourd’hui. Parce que je ne voulais pas être la femme qui se plaint d’un traitement de luxe en clinique privée. Parce que je ne voulais pas attirer l’attention sur mon cas. Parce que je ne voulais pas décevoir mes parents qui ont investi tant d’argent dans ce traitement sans promesse. Neuf ans plus tard, je ne leur ai jamais dit ce que j’avais vécu dans cette clinique. Parce que quand on souffre tant et que nos parents sont prêts à investir tant dans un traitement, la dernière chose que l’on veut leur avouer, c’est que certains des professionnels payés pour nous aider n’avaient rien d’aidant. Étaient-ils là uniquement pour l’argent ? Je ne le sais pas. Mais moi, comme femme, comme patiente, comme personne vulnérable, je me suis sentie abandonnée. Comme victime d’abus sexuels et de soins inadéquats pour tout adulte souffrant de troubles alimentaires, je me suis sentie trahie. Mais j’ai joué le jeu. Encore une fois, pour ne pas décevoir.

Quand même le médecin qui te « traite » ne comprend pas à quel point ses gestes et commentaires sont nocifs et déplacés, comment espérer mieux ? Depuis cette expérience, je me tiens à l’écart des soins de santé. À défaut d’avoir un médecin de famille, je préfère souffrir seule que d’être accompagnée par un autre dinosaure qui pense qu’un commentaire sur les « seins fermes » d’une patiente anorexique est une approche thérapeutique appropriée…

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion