La couverture médiatique des derniers jours fait grand cas de la décision du gouvernement Legault de faire annuler un évènement organisé par un groupe pro-vie devant se tenir au Centre des Congrès de Québec. Dans la foulée des inquiétudes exprimées par plusieurs au sujet de l’importance de la liberté d’expression, un droit protégé par la Charte canadienne et trop souvent malmené, c’est toutefois pour Chantale Daigle que j’ai eu une pensée.

La décision du gouvernement Legault était certainement maladroite, voire non avisée, la liberté d’expression constituant un fondement des sociétés démocratiques. Y porter atteinte peut être non seulement inacceptable sur le plan juridique, mais également s’avérer socialement contreproductif. Reste que l’actuel débat autour de la liberté d’expression occulte un autre enjeu tout aussi important, à savoir le droit de la femme à l’autonomie procréative, son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, un droit qui lui aussi découle de la Charte et qu’on tient pour acquis, mais qui n’en demeure pas moins fortement menacé.

En 1988, la Cour suprême a certes invalidé la criminalisation de l’avortement au Canada dans le célèbre arrêt Morgentaler. En 1989, elle a également confirmé l’absence de personnalité juridique du fœtus et incidemment, le droit à l’avortement de la femme dans l’arrêt Daigle c. Tremblay. Pourtant, ce n’est qu’en 2018 que la disposition en cause du Code criminel – l’article 251 – fut officiellement abrogée.

Trente ans ! Trente ans pour que le gouvernement canadien ose réaffirmer de façon expresse ce que la Cour suprême du Canada avait pourtant clairement établi.

Force est d’ailleurs de constater qu’en 2023, l’accessibilité aux services d’avortement demeure encore fortement inégale partout au pays. En région et au sein des communautés marginalisées, l’absence de services est souvent manifeste, obligeant les femmes à se déplacer sur de longues distances pour avoir accès à l’avortement. Cette réalité a de quoi nous préoccuper. En ce sens, il faut se réjouir du travail de terrain effectué par des organisations comme Action Canada pour la santé et les droits sexuels ou la Fédération nationale de l’avortement du Canada.

Un droit fragilisé, un choix à réaffirmer

Aujourd’hui, c’est donc au sujet de ce droit, fragilisé, qu’il me paraît important de se positionner. En cette ère tragique où, tout près de nous, l’arrêt Dobbs de la Cour suprême des États-Unis a l’an dernier renversé le précédent de 1973 Roe v. Wade de manière à restreindre considérablement le droit à l’avortement des femmes, il convient de se lever. Car à présent, c’est bien une quinzaine d’États américains qui ont banni l’avortement sur leur sol. Les techniques médicales utilisées dans le cadre des avortements, et notamment l’accès à la pilule abortive, ont même été contestées avec succès par une coalition de militants pro-vie dans le cadre d’une action formée devant un tribunal américain texan où le juge officiant était ouvertement connu comme ultraconservateur.

Bien qu’un appel ait été formé par l’administration Biden et que le sort de l’affaire demeure pendant, la manipulation désolante et éhontée dont le système de justice américain est actuellement l’objet, au mépris des droits des femmes, doit être fortement condamnée.

Aussi, bien qu’au Québec, le gouvernement Legault se soit mis les pieds dans le plat, j’aime à penser que l’intention était noble. Réaffirmer l’importance du droit à l’avortement pour les femmes est essentiel. Le législateur québécois l’a d’ailleurs fait en lien avec la grossesse pour autrui dans la loi 12, qui a été adoptée le 31 mai dernier par l’Assemblée nationale du Québec et scelle la réforme du droit de la filiation. J’applaudis, haut et fort, ce choix. Parce que c’est bien de cela qu’il est question : un choix, celui de la femme à disposer de son corps comme elle l’entend.

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