En tant que professionnelles et professionnels de la santé, nous constatons tous les jours les effets néfastes des énergies fossiles sur la santé publique et sur l’environnement. C’est pourquoi nous lançons aujourd’hui une pétition électronique à la Chambre des communes, à l’occasion de la Journée de l’air pur, pour demander au gouvernement fédéral d’agir et d’interdire la publicité de ces produits dangereux, de même que la commandite par l’industrie qui les produit.

L’année dernière, plus de 700 000 professionnels de la santé ont signé une lettre ouverte demandant au gouvernement de restreindre la publicité sur les énergies fossiles, mais aucune mesure de ce type n’a été prise pour résoudre la grande crise de santé publique à laquelle notre pays doit faire face.

Au Canada, la publicité sur le tabac, l’alcool et les produits pharmaceutiques est limitée en raison des effets négatifs de ces substances sur la santé. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’interdiction de la publicité pour le tabac est le moyen le plus rentable et le plus efficace de réduire la demande de tabac.

Pourtant, les entreprises des secteurs du charbon, du pétrole, du gaz naturel et de l’automobile sont autorisées à promouvoir presque sans restriction leurs produits nocifs pour la santé, l’environnement et le climat.

Les énergies fossiles libèrent des polluants toxiques de leur extraction à leur combustion. La pollution atmosphérique qu’elles génèrent tue 8,7 millions de personnes par an, tout comme le tabac. Leur combustion est également la principale cause des changements climatiques.

L’augmentation des températures et des épisodes de chaleur extrême, les incendies de forêt et l’expansion des zoonoses menacent déjà la vie et le bien-être de la population au Canada, sans oublier le dôme de chaleur de 2021 en Colombie-Britannique, qui a causé le décès de plus de 600 personnes. En ces temps d’urgence climatique, la publicité sur les énergies fossiles ne peut être défendue.

Qui plus est : la publicité sur les énergies fossiles augmente la demande pour ces produits à l’origine de la crise climatique. Les entreprises gazières encouragent l’installation de systèmes de chauffage à base d’énergie fossile, alors qu’il est de plus en plus évident que la pollution de l’air intérieur par les appareils à gaz provoque de l’asthme et d’autres problèmes respiratoires. Les constructeurs automobiles continuent de commercialiser des véhicules toujours plus gros et plus polluants, en dépit de l’engagement des politiciens à éliminer progressivement les voitures à essence d’ici 2030. Pour protéger leurs profits, ces entreprises veulent maintenir le monde tel qu’il est et retarder le passage nécessaire à une économie propre.

Des stratégies empruntées à l’industrie du tabac

Depuis plus de 50 ans, l’industrie des énergies fossiles mène une campagne coordonnée pour saper la réponse démocratique aux changements climatiques. Tout comme l’industrie du tabac a continué de promouvoir ses produits addictifs en dissimulant ou en niant les preuves des liens étroits entre tabagisme et cancer, elle s’est efforcée d’éliminer et de déformer les preuves, s’inspirant des stratégies des entreprises de tabac et faisant même appel aux mêmes firmes de relations publiques.

Aujourd’hui, l’industrie des énergies fossiles continue de mener une campagne de désinformation qui trompe le public sur les caractéristiques environnementales et sanitaires de ses produits dangereux et toxiques.

Les fausses allégations de neutralité carbone servent à retarder la transition nécessaire vers des sources d’énergie plus sûres et plus propres.

Bien que plusieurs plaintes relatives à l’écoblanchiment fassent actuellement l’objet d’enquêtes, le problème de la publicité sur les énergies fossiles est systémique et ne peut être résolu par la seule réglementation. Les mesures de lutte contre le tabagisme – qui ont réussi à changer les discours sur la cigarette au Canada et à sauver des centaines de milliers de vies – peuvent s’appliquer tout aussi efficacement aux énergies fossiles et faciliter le passage à une économie neutre en carbone.

L’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles pourrait permettre à la population de mieux comprendre les liens entre pollution et santé, tout en s’assurant que chacun et chacune dispose des informations nécessaires pour mieux protéger sa propre santé. L’interdiction de ce type de publicité pourrait contribuer à la création de nouvelles normes sociales et nous permettre d’évoluer vers un avenir plus sain et faible en carbone.

La France a déjà promulgué une interdiction de la publicité pour les produits énergétiques pétroliers, les énergies issues de la combustion du charbon et les hydrocarbures, et le gaz y sera bientôt soumis. Des municipalités ont aussi adopté cette approche aux Pays-Bas, en Australie et au Royaume-Uni. Le vent tourne.

En tant que professionnels en première ligne de la lutte contre les changements climatiques, nous demandons au gouvernement de prendre des mesures pour protéger la santé publique et l’avenir de nos enfants. Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée de l’air pur, dissipons l’écran de fumée qu’on nous envoie et traitons les énergies fossiles comme les poisons qu’ils sont.

1. Lisez le texte de la pétition

* Cosignataires : Husein Moloo, médecin, directeur de la santé planétaire, faculté de médecine, Université d’Ottawa ; Joe Vipond, urgentologue et ancien président de l’ACME ; Melissa Lem, médecin de famille et présidente du conseil d’administration de l’ACME, directrice de PaRx (la version pancanadienne de Prescri-Nature), professeure adjointe de clinique, faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique ; Sehjal Bargava, médecin-résidente en santé publique et médecine préventive et en médecine familiale, Université d’Ottawa, co-présidente du comité régional de l’ACME pour l’Ontario ; Marianne Papillon, médecin de famille travaillant en santé publique ; Eugenie Waters, médecin de famille ; Geneviève Ferdais, omnipraticienne au GMF du Sud-Ouest et au CLSC Verdun, chargée d’enseignement clinique à l’Université de Montréal ; Larry Barzelai, médecin de famille ; Courtney Howard, médecin urgentiste, Yellowknife, Territoires du Nord-Ouest, vice-présidente de l’Alliance mondiale pour le climat et la santé ; Warren Bell, médecin, ancien président et fondateur de l’ACME

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