Si vous pensez que la crise qui sévit actuellement au Soudan constitue une situation d’urgence sans avertissement, détrompez-vous.

Sept semaines déjà que des combats intenses ont éclaté dans les rues de Khartoum, la capitale du Soudan. La violence des combats est telle que plus de 1000 personnes ont été tuées et plus d’un million déplacées, notamment pour se mettre à l’abri des bombardements. Certaines ont fui vers des zones plus sûres du pays, alors que d’autres ont entrepris de longs voyages vers des postes frontaliers débordés. Le conflit qui sévit actuellement entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide est un nouveau chapitre dans une crise de longue date qui affecte le pays depuis des décennies. Mais sous ces combats pour le contrôle du Soudan se cache une réalité trop familière pour Médecins sans frontières (MSF) : un non-respect de l’action médico-humanitaire, et des attaques ciblées contre les structures et le personnel de santé.

Lorsque les combats ont éclaté le 15 avril dernier, des équipes de MSF étaient déjà présentes dans le pays pour répondre à de multiples problèmes de santé et pour fournir des soins médicaux dans des hôpitaux et des cliniques mobiles. Aujourd’hui, près de deux mois plus tard, les résidants de Khartoum et d’autres régions, notamment au Darfour, ont été témoins de violents combats, de frappes aériennes et de pillages massifs. Les violences actuelles ont entraîné des pénuries de nourriture, d’eau, de médicaments et de carburant, provoquant une flambée des prix et entravant l’accès aux soins médicaux à un moment où les gens en ont le plus besoin.

Selon les Nations unies, 25 millions de personnes au Soudan, soit la moitié de la population du pays, ont maintenant besoin d’une aide humanitaire.

De leur côté, les équipes de MSF sont aux prises avec d’immenses obstacles, alors qu’elles s’efforcent de fournir des soins de santé essentiels dans divers endroits du pays. À Nyala, dans le sud du Darfour, nous avons été contraints de suspendre nos activités après qu’une maison et un entrepôt MSF ont été violemment pillés le 16 avril. À Khartoum, Jean-Nicolas Armstrong Dangelser, coordinateur d’urgence pour MSF au Soudan, rapporte qu’« après le pillage de l’un de nos entrepôts médicaux, les réfrigérateurs ont été débranchés. La chaîne du froid a été détruite, de sorte que les médicaments sont périmés et ne peuvent plus être utilisés ». Le 26 avril, l’hôpital universitaire d’El Geneina, où MSF gérait les services de pédiatrie et de nutrition, a également été pillé et certaines parties ont été détruites. L’hôpital reste toujours fermé. Ces attaques ne sont pas des évènements isolés. Elles s’inscrivent dans une tendance de mépris des deux parties belligérantes pour les personnes civiles et les établissements de soins de santé.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Patients en dialyse à l’hôpital Soba, à Khartoum, le 3 juin. Même les établissements de santé ne sont pas à l’abri du pillage.

Le vol de fournitures et de véhicules, le harcèlement du personnel médical et la proximité de la violence avec les établissements de soins de santé entravent les efforts des équipes médicales et humanitaires pour répondre efficacement à la situation qui demeure désastreuse. Les défis administratifs et logistiques compliquent aussi les interventions. L’acheminement des fournitures d’une région à l’autre du Soudan devient extrêmement difficile et nous avons du mal à obtenir les visas qu’il nous faudrait de toute urgence pour faire entrer du personnel supplémentaire.

Malgré ces difficultés, nos équipes restent déterminées à soutenir les communautés du Soudan en fournissant des soins de santé essentiels à ceux et celles qui en ont le plus besoin.

Actuellement actives dans 10 États du Soudan, les équipes de MSF soignent les gens blessés par la guerre à Khartoum et au Darfour du Nord. Elles fournissent aussi des soins de santé et mettent en place des services pour améliorer l’accès à l’eau et les conditions d’hygiène pour des services d’eau et d’assainissement aux personnes réfugiées et déplacées, ainsi qu’aux communautés d’accueil dans les États d’Al-Gedaref et d’Al-Jazeera. Nous faisons également don de fournitures médicales aux établissements de soins de santé dans tout le pays.

Dès les premiers jours de la crise au Soudan, les médias se sont concentrés sur l’évacuation de nombreuses personnes. Notre expérience dans les zones de conflit nous permet toutefois de voir l’ampleur du danger que représente le conflit pour les personnes civiles qui ne peuvent pas ou qui choisissent de ne pas évacuer. Cela vaut aussi pour le personnel médical qui reste pour fournir des soins aux individus malades ou blessés. Il est impératif d’assurer la sécurité du personnel médical et des établissements de santé afin de garantir l’efficacité des soins. Pour ce faire, il faut permettre aux ambulances et aux individus cherchant une assistance médicale de circuler en toute sécurité et faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire vers les zones où les besoins sont les plus grands.

MSF a l’habitude de travailler dans des zones de conflit et des environnements difficiles, mais au Soudan, l’espace humanitaire dans lequel nous pouvons travailler rétrécit rapidement, alors que les besoins ne cessent d’augmenter. Cette situation pousse le système de santé au bord du précipice. Alors que nos équipes poursuivent leurs efforts pour accéder aux personnes qui ont un urgent besoin de soins, la question se pose : combien de vies qui auraient dû être épargnées sont désormais perdues ? Près de deux mois après le début de ce conflit sanglant, les opérations humanitaires ont dû être interrompues dans de nombreuses régions du pays. MSF est l’une des rares organisations internationales d’assistance médicale et humanitaire qui continuent de travailler au Soudan. Nous appelons d’urgence toutes les parties au conflit à garantir l’accès humanitaire et à permettre aux fournitures et au personnel essentiels d’atteindre les personnes piégées au cœur de ce conflit.

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