En réponse à la chronique d’Yves Boisvert, « L’industrie de l’action collective – la suite1 », publiée le 12 mai

Comme survivant des abus des Clercs de Saint-Viateur (CSV) et membre de l’action collective contre eux, j’ai été interpellé par la chronique d’Yves Boisvert intitulée « L’industrie de l’action collective – la suite1 ».

J’ignorais cette face cachée de l’action collective jusqu’à ce que je consulte les sites web de cabinets d’avocats spécialisés dans ce domaine. J’ai été estomaqué de voir qu’on peut y magasiner parmi une multitude d’actions collectives pour des problèmes liés à des objets de consommation courante (capsules de café, téléphones, services financiers, automobiles, électroménagers, etc.). N’importe qui peut s’y inscrire, souvent sans preuves, en espérant recevoir une petite compensation tandis que le cabinet d’avocats recevra de 20 % à 30 % du montant total malgré des risques et des efforts souvent minimes de sa part. Maintenant je comprends mieux le point de vue de M. Boisvert.

Naïvement, je croyais que le mécanisme d’action collective visait simplement à équilibrer les forces en permettant à des gens lésés par une entité ayant de grands moyens juridiques et financiers de se regrouper afin d’obtenir compensation pour des torts majeurs.

C’est pour cette raison que je me suis inscrit à l’action collective contre les CSV. J’admets que j’ai sourcillé en voyant que les honoraires de la firme d’avocats seraient d’un maximum de 25 % du montant de l’entente.

Mais, comme ma motivation n’était pas pécuniaire, j’ai choisi de m’inscrire au recours collectif pour me libérer de ce secret que je portais depuis plus de 65 ans en nommant mes agresseurs et en disant le tort que leurs abus m’ont causé.

J’espérais surtout obtenir des CSV la reconnaissance de leur aveuglement face aux abus commis par les prédateurs sexuels qu’ils abritaient et, possiblement, recevoir une compensation financière pour récupérer une partie des presque 100 000 $ dépensés au fil des ans pour composer avec les séquelles de ce traumatisme.

Je salue le professionnalisme, l’empathie et le dévouement de MVirginie Dufresne-Lemire et de MJustin Wee qui, avec leur équipe, ont piloté ce dossier délicat avec doigté afin d’obtenir assez rapidement un très bon règlement à l'amiable tout en préservant notre anonymat grâce à un mécanisme d’adjudication innovateur et, surtout, avec les excuses des CSV.

Je déplore les interventions du « membre dissident » pour faire invalider la convention d’honoraires même si, comme nous tous, il y avait consenti en se joignant à l’action collective. Ses démarches ont entraîné un retard de plus d’un an pour la conclusion de ce douloureux chapitre de la vie de près de 400 personnes. De plus, par l’entremise des chroniques de M. Boisvert, il a remis en cause l’intégrité de jeunes juristes dévoués à la cause des survivants d’agressions sexuelles et les a exposés à des volées de commentaires haineux.

J’admets que les mécanismes de l’action collective doivent être ajustés pour éviter les abus. Cependant, pour l’instant, ce semble être la seule façon pour les survivants d’abus sexuels par les membres du clergé d’obtenir réparation en disant « moi aussi ! » tout en conservant l’anonymat parce que, comme moi jusqu’à tout récemment, beaucoup n’en ont jamais informé leurs proches.

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