Près d’une centaine d’experts se sont réunis à Montréal le 15 mai dernier à l’initiative du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie afin de discuter de l’avenir des énergies propres au Québec. De nombreux enjeux tous plus pertinents les uns que les autres ont été abordés, mais il y avait un grand absent : la donne géopolitique et la disponibilité des ressources minérales, indispensables au projet de décarbonisation de notre économie.

La transition énergétique dans laquelle nombre de pays et d’administrations, dont le Québec, veulent s’engager est en effet fortement dépendante de la donne géopolitique, laquelle comporte des risques qu’il pourrait nous être funeste de négliger. À l’heure actuelle, les plus grands risques à l’horizon sont la concentration géographique des minéraux nécessaires à la transition et la domination quasi complète de la Chine, notamment dans le raffinage.

Il faut rappeler que la transition nécessite des minéraux tels que le cobalt, le cuivre, le nickel, le graphite, le lithium et les éléments de terre rare.

Par exemple, un véhicule électrique exige six fois plus de minéraux qu’un véhicule à essence, notamment pour la batterie.

Un parc éolien exige quant à lui substantiellement plus de minéraux qu’une centrale au gaz de même taille. Et l’électrification veut dire plus de fils, donc plus de cuivre.

Le cas du cuivre – le métal de l’électrification – est notoire et suscite l’inquiétude de plusieurs observateurs. Selon un rapport de la réputée firme d’analyse S&P Global publié en 2022, « à moins qu’une nouvelle offre massive ne soit mise sur le marché en temps voulu, l’objectif d’émissions nulles d’ici 2050 sera hors de portée. Au XXIe siècle, la pénurie de cuivre pourrait devenir une menace déstabilisante pour la sécurité internationale. Les défis que cela pose rappellent la course au pétrole du XXe siècle, mais ils pourraient être accentués par une concentration géographique encore plus forte des ressources de cuivre⁠1 ».

Géopolitique des mines

Pas moins de 60 % des gisements de cette ressource se trouvent aujourd’hui dans cinq pays seulement : le Chili, le Pérou, la Chine, la République démocratique du Congo et les États-Unis.

Cela fait dire à bien des experts que la géopolitique de l’énergie se confondra de plus en plus avec la géopolitique des mines.

L’autre enjeu a trait à la domination de la Chine en matière de raffinage des minéraux. Depuis une trentaine d’années, les pays développés se sont départis de leur production industrielle, principalement au profit de l’Asie, afin de diminuer le coût des produits de consommation. La Chine en a profité pour devenir un pays manufacturier, mais aussi celui de la transition et des minéraux requis pour celle-ci.

Aujourd’hui, plus de la moitié des investissements mondiaux dans les énergies renouvelables sont d’origine chinoise. La Chine a ainsi développé une chaîne d’approvisionnement efficace et une expertise unique.

Le pays raffine maintenant près de 75 % du cobalt utilisé dans le monde, environ 70 % du graphite, 67 % du lithium et 63 % du nickel.

Du côté des batteries, la Chine produit 77 % des cathodes et 92 % des anodes, en plus d’avoir la mainmise sur environ 80 % des composantes nécessaires à la confection des panneaux solaires⁠2.

Les États occidentaux se sont réveillés bien tard face à ce développement fulgurant. Voilà à peine trois ou quatre ans que ces pays, dont les États-Unis, se sont précipités pour tisser des alliances – notamment avec le Canada, qui a de grandes ressources minières et une forte expertise en la matière – pour tenter de se défaire autant que possible de cette dépendance envers un seul fournisseur. Or, cela prendra du temps… Entre-temps, il faut espérer que la Chine de Xi Jinping n’imitera pas la Russie de Vladimir Poutine, qui a maintes fois tenté d’utiliser le gaz naturel russe comme une arme afin d’assujettir une Europe qui en était fortement dépendante. D’ailleurs, Pékin l’a déjà fait en 2010 avec ses exportations de minéraux, à l’encontre des États-Unis, de l’Union européenne et du Japon. L’affaire a finalement été résolue à l’Organisation mondiale du commerce en 2014, en défaveur de la Chine.

Afin de réussir la transition énergétique au Québec comme ailleurs, il sera difficile de se priver de la Chine, de ses minéraux et de ses capacités de raffinage, ainsi que des autres pays qui dominent le marché des minéraux. Mais il faudra accélérer considérablement la diversification de notre approvisionnement si l’on souhaite atténuer les risques de nature géopolitique.

1. Lisez « The Future of Copper : Will the looming supply gap short-circuit the energy transition ? » (en anglais) 2. Lisez « Can the World Make an Electric Car Battery Without China ? » (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion