Récemment, l’option de recevoir le soin d’aide médicale à mourir dans un salon funéraire – moyennant des frais – a suscité bon nombre d’incompréhensions.

C’est normal, ce sujet est sensible. Nul ne souhaite que l’aide médicale à mourir ne devienne une entreprise lucrative plutôt qu’un soin humain et compassionnel.

Pourtant, il est essentiel de modérer les prises de position et de s’attarder un instant sur la réalité de terrain que nous vivons, nos patients et nous, médecins prestataires de l’aide médicale à mourir. Les médecins praticiens de l’AMM interrogés dans le cadre de cette enquête sont favorables à cette offre, et c’est pour une seule et bonne raison : comme l’exprime la Dre Nguyen, de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs, « les médecins vont suivre les volontés des patients ».

Voilà, tout est dit : suivre les volontés des patients et particulièrement dans les dernières heures de leur vie, respecter leur dignité et leurs valeurs personnelles, sans apporter de jugement.

1. Sur la marchandisation de l’aide médicale à mourir

Les reproches visent la marchandisation de l’aide médicale à mourir, puisque l’offre consiste à louer un espace au demandeur et à ses proches.

Or, tout ce débat oublie que des frais sont d’ores et déjà engagés par le demandeur dans le cas de l’aide médicale à mourir.

En effet, la procédure impose au patient de choisir au préalable une entreprise de services funéraires afin de venir récupérer sa dépouille à l’hôpital ou à domicile, ce qui est évidemment coûteux et contraignant.

2. Le nécessaire respect des volontés et l’organisation logistique 

La location d’une salle permet en réalité d’ouvrir les options disponibles pour le patient :

– Les demandeurs d’AMM qui sont déjà hospitalisés peuvent recevoir le soin sur place, mais certains préfèrent sortir pour leurs dernières heures ou journées, pour différentes raisons personnelles : dignité, calme, sérénité des derniers moments, partage d’un dernier repas avec du vin et même du champagne (eh oui !). C’est la célébration de la vie qui se souligne bien souvent dans ces moments, et l’on peut comprendre que l’hôpital ne soit pas le lieu de prédilection de tous. Que ces patients puissent choisir eux-mêmes le lieu de leur mort, même s’il s’agit d’un salon de soins funéraires, n’est que le respect de leur volonté.

– D’autre part, même si de nombreuses AMM ont lieu chez le patient, certaines personnes ne veulent pas recevoir le soin chez elles pour préserver l’environnement familial, ou simplement parce que leur domicile est trop petit pour accueillir tous les proches dont la présence est désirée. Là encore, il s’agit de prévoir un lieu leur permettant de respecter leur volonté.

– Bien sûr, il existe d’autres solutions (chambre consacrée à l’hôpital, maisons de soins palliatifs… lorsqu’elles acceptent l’AMM), mais elles ne sont pas forcément suffisantes. Elles sont parfois refusées par les patients, par exemple parce qu’elles ne se prêtent pas à une célébration, ou alors il existe des restrictions de tous ordres, ou encore elles ne sont pas disponibles… Les contraintes logistiques sont nombreuses. Ouvrir l’accès aux salons funéraires, implantés partout sur le territoire et souvent à proximité de la résidence du demandeur, n’est qu’une manière d’ajouter une option, parfois plus simple pour le patient (souvent fragile et à mobilité réduite) et son entourage.

3. Cela existe déjà ailleurs au Canada

Cette façon de donner le soin dans un endroit choisi par le patient se fait déjà partout ailleurs au Canada. C’est par exemple le cas en Colombie-Britannique, où des demandeurs ont reçu le soin sous une tente de réception dans le parc Victoria. De nombreux exemples existent ailleurs dans le pays toujours dans le respect des volontés du patient : maisons funéraires, patio sur le toit d’un hôpital, chambres d’hôtel, véhicule récréatif, jardin arrière d’une maison, plage, etc.

En fin de compte, le nombre de personnes qui pourraient bénéficier du service d’accompagnement dans un salon funéraire est probablement relativement faible, mais permet d’avoir une option supplémentaire visant les mêmes objectifs : respect de la dignité des demandeurs, respect de leurs valeurs, facilitation de l’organisation des derniers moments par des professionnels dont c’est le métier.

*Ainsi que les membres de la Communauté de pratique AMM-Québec suivants : Dre Maryse Archambault, Québec, DFrançois Aubin, Québec ; ​DPhilippe Aubin, Maria ; ​Dre Julie Boulanger, Québec ; DLaurent Boisvert, Montérégie et Montréal ; DMichel Breton, Laval ; ​DPierre Carrier, Québec ; ​Dre Carole Cyr, Québec ; ​Dre Gabriella Del Grande, Laval ; DStephen DiTommaso, Montréal ; ​Dre Sabrina Dery, Mont-Laurier ; Dre Chantal Descoteaux, Saguenay ; ​Dre Viviane Hoduc, Rivière-du-Loup ; Dre Natalie Le Sage, Québec ; ​Dre Danièle Michaud ; DGuy Morrissette, Outaouais ; ​Dre Genevieve Roberge, Québec ; ​DAntoine St-Germain, Longueuil ; Dre Ariane St-Jean, Argenteuil ; DClaude Trudel, Laval ; DPierre Viens, Portneuf ; Dre Audrey Lafortune, Lanaudière ; Dr Benjamin Schiff Montréal

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