Nous appuyons fermement, pour cinq raisons, la création d’un Institut national d’excellence en éducation (INEE).

Premièrement, la recherche en éducation est volumineuse, de qualité variable et majoritairement écrite en anglais. Les enseignants du Québec ont déjà une tâche très lourde. Ils n’ont pas le temps de se tenir à jour sur les avancées en recherche, et encore moins le temps de séparer le bon grain de l’ivraie dans la forêt des publications. L’INEE disposera du personnel compétent qui fera le tri, résumera l’information et la divulguera à l’échelle du Québec. Les enseignants auront ainsi accès à des informations scientifiques mises à jour qui leur permettront de choisir ce qui est pertinent pour leur classe et de l’incorporer à leur pratique professionnelle. L’INEE ne minera pas leur compétence, mais viendra au contraire l’appuyer et la mettre en valeur.

Notre système actuel n’est pas parfait, mais il est enviable à plusieurs égards et les enseignants qui en sont le cœur font un travail phénoménal. C’est en reconnaissant explicitement leur contribution qu’un système comme celui de la Finlande a réussi à se démarquer sur le plan mondial.

Deuxièmement, nous partageons entièrement l’avis du ministre qu’un système à voie unique en éducation ne peut réussir. Les vitesses multiples de notre système actuel doivent être évaluées par l’INEE, mais elles ont au départ ceci de fonctionnel qu’elles répondent à des besoins qui sont souvent très différents d’un enfant à l’autre. Il ne faut pas éteindre ces différences chez les enfants, mais les valoriser et comprendre qu’il n’y a pas un seul chemin qui mène à une vie adulte harmonieuse et significative. L’enfant n’a pas besoin de devenir astronaute pour se valoriser.

La hiérarchisation excessive des professions afflige notre système d’éducation. Elle est au cœur même de nos problèmes collectifs et génère une anxiété profonde chez plusieurs parents.

Troisièmement, la prétention trop répandue que notre système actuel d’éducation crée plus d’inégalités parmi nos enfants que celui de nos voisins ontariens est absolument contredite par les données de l’expérience. Les multiples sources et des milliers d’observations que nous avons examinées (parfois jusqu’à plus soif) convergent vers un double résultat : 1. en moyenne, les jeunes du Québec réussissent aussi bien, sinon mieux, que ceux des autres provinces ; et 2. les élèves qui éprouvent le plus de difficulté réussissent aussi bien chez nous qu’ailleurs et même mieux dans certains domaines. Avec l’INEE, nous pourrons mieux comprendre pourquoi, et aller plus loin.

Évaluer les approches

Quatrièmement, au fil des années, le Québec a mis en place des changements importants qui n’avaient pas toujours été testés auprès des enfants. Par exemple, la façon d’enseigner la grammaire a été modifiée et complexifiée sans qu’aucune recherche n’indique que cette nouvelle approche serait bénéfique pour les enfants. L’INEE pourra mener des expériences afin de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas avant d’apporter des changements à grande échelle.

De plus, les enseignants du Québec sont créatifs et déploient eux-mêmes de nouvelles approches, mais ces réussites sont rarement documentées et partagées à l’échelle du Québec. L’INEE pourra contribuer à l’avancement de nos connaissances en évaluant différentes approches avec des méthodes rigoureuses et diverses. Et surtout, il pourra partager les résultats avec l’ensemble des enseignants dans un format accessible et clair, ce que les instituts de recherche universitaires peuvent moins facilement faire.

Cinquièmement, notre système de valeurs abîme notre système d’éducation en augmentant la pression sur les enfants. On les catégorise trop souvent de manière péjorative dans l’espace public.

Des enfants avec des difficultés, nous en aurons toujours. Mais c’est dans notre façon de les accompagner et de les traiter que nous pourrons nous distinguer.

L’INEE devra être particulièrement attentif à tout ce qui touche leur bien-être. Nos travaux sur près de 800 000 enfants du Québec (et non pas seulement sur quelques microéchantillons) ont démontré que le diagnostic du trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est présentement imprécis et mène à une médication utilisant des drogues dont on ne connaît pas les conséquences à long terme. Le diagnostic découle bien souvent d’une pression exercée par les milieux scolaire et médical face aux comportements des enfants ou à leurs difficultés. L’INEE devra s’impliquer dans ce dossier en arrimant les données de la santé et de l’éducation pour en avoir le cœur net et pour voir s’il ne serait pas possible d’aborder le TDAH autrement qu’en droguant massivement les enfants. Les chercheurs norvégiens nous précèdent déjà dans cette direction.

Enfin, au-delà de la question du TDAH, il faut reconnaître que les exigences auxquelles font face nos enfants à l’école sont aujourd’hui plus élevées que dans les années 1980. Pourrait-on revoir le contenu enseigné aux enfants, miser sur l’essentiel (langue, mathématiques, science) et laisser plus de place à des activités créatives pour permettre aux enfants de redevenir des enfants ?

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