La baisse annoncée de la production d’environ 1,5 million de barils par jour pourrait avoir une incidence sur les prix à la pompe, à la veille de la saison estivale

L’OPEP+, qui regroupe les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole en plus de la Russie et de quelques autres États, a pris tout le monde par surprise en annonçant début avril une baisse subite de sa production d’environ 1,5 million de barils/jour à partir du mois de mai.

Il est encore trop tôt pour jauger l’effet de cette décision sur les prix à la pompe. Mais, à la veille de la saison estivale, cette annonce devrait théoriquement y ajouter une pression additionnelle.

Rappelons que cette diminution de la production suit celle de 2 millions de barils/jour annoncée en octobre dernier. En quelques mois, c’est donc plus de 3 % de la production mondiale de pétrole qui a été retranchée au total, dans un marché pourtant déjà considéré comme serré.

La réaction de Washington fut négative. Le gouvernement du premier pays producteur mondial d’or noir a fustigé ces décisions qui risquent d’entraîner une hausse des prix de l’énergie et, ce faisant, exercer une pression à la hausse sur l’inflation alors même qu’on tente de la juguler. Cette dernière décision de l’OPEP+ a surpris le milieu énergétique, mais se comprend pourtant aisément. Cette organisation est composée de pays dont le budget national est fortement dépendant des prix du pétrole.

La part de l’or noir dans les exportations de l’Arabie saoudite a grimpé à presque 80 % en 2022 tandis que les ventes d’hydrocarbures fournissent à la Russie environ 45 % de ses recettes. Moscou a bien besoin de ces revenus supplémentaires si elle veut soutenir son effort de guerre en Ukraine…

L’année 2022 a été faste pour ces pays de l’OPEP+, qui ont la mainmise sur la moitié de la production mondiale. Les prix du pétrole ont avoisiné les 100 $ le baril, ce qui leur a procuré des revenus d’exception. Ils aimeraient bien que la situation perdure. Or, ces derniers temps, les prix ont chuté autour des 70 $ le baril. La réduction annoncée de l’offre de 1,5 million barils/jour vise donc clairement à faire remonter ces prix entre 80 $ et 90 $, voire au-delà.

Éviter la débandade

Ces pays producteurs souhaitent également éviter les écueils de l’histoire récente. En 2008-2009, dans la foulée de la crise financière, les prix du pétrole ont dégringolé de façon remarquable, passant en quelques semaines de 135 $ à 40 $ le baril. Avec les difficultés que les banques ont récemment connues en Europe et aux États-Unis, et avec des indicateurs économiques au rouge, dont les difficultés dans le secteur immobilier, il est clair que les pays producteurs veulent éviter une débandade d’égale envergure grâce à des mesures préventives.

Enfin, les pays de l’OPEP+ subissent moins de compétition directe de la part des producteurs américains. Ces derniers ont toujours été très réactifs au marché, avec des hausses rapides de leur production pour tirer profit de contextes d’augmentation des prix du pétrole. Or, en dépit des prix élevés en 2022, les Américains n’ont pas significativement accru leur production. C’est que leurs actionnaires, à la suite des années difficiles de la COVID-19, ont demandé à être rémunérés par des dividendes plutôt que d’utiliser les revenus supplémentaires pour investir dans la production. Au grand dam du président américain, Joe Biden, qui a dû puiser dans les stocks de la Réserve stratégique de pétrole afin d’en injecter des quantités records sur le marché (plus de 200 millions de barils en 2022) dans le but d’atténuer la flambée des prix à la pompe.

D’ici les prochaines semaines, les cours du baril de pétrole et de l’essence dépendront essentiellement de la santé de l’économie mondiale et de la vigueur de la consommation énergétique en Chine.

Cette dernière a connu un fléchissement historique en 2022 à la faveur de sa politique de confinement. Une reprise rapide de sa consommation de pétrole fera assurément monter les cours du baril. La réaction des consommateurs et des automobilistes devant une montée des prix à la pompe jouera aussi un rôle. Qui sait si, devant une économie aux contours incertains, ceux-ci décideront de changer leurs plans de vacances en optant par exemple pour des déplacements moins éloignés ? On y verra plus clair sous peu, avec le retour des beaux jours.

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