La visite du président Joe Biden à Ottawa a suscité de nombreuses comparaisons entre les deux pays. Par l’entremise de la Loi sur la réduction de l’inflation, le gouvernement américain investit massivement dans l’action climatique. Pourquoi ? Parce que les États-Unis souhaitent fournir une énergie abordable et rendre justice aux communautés laissées pour compte depuis trop longtemps. En accélérant le déclin de la courbe de coûts et en renforçant les chaînes d’approvisionnement, notre voisin du Sud contribue à rendre les technologies vertes encore plus compétitives.

Aux États-Unis, le président Biden et le Congrès ont décidé qu’ils ne pouvaient pas se permettre de ne pas investir dans l’action climatique. Ici, au Canada, des investissements climatiques semblables contribueraient à l’avènement d’un avenir plus abordable, sûr et concurrentiel – et le prochain budget fédéral est l’occasion de lancer ces investissements.

Plus d’une vingtaine d’organisations représentant des millions de Canadiens et Canadiennes viennent de lancer une campagne pour exhorter le gouvernement canadien à investir 2 % de notre PIB sur cinq ans dans l’action climatique.

Le récent rapport « Dépenser ce qu’il faut⁠1 » de Marc Lee, Caroline Brouillette et Hadrian Mertins-Kirkwood présente de façon détaillée les types de programmes à financer, des transports en commun au réaménagement des maisons et des bâtiments, en passant par les infrastructures d’énergies renouvelables et bien plus. Ces investissements climatiques sont nécessaires à la création d’un avenir abordable pour la population canadienne.

En Europe, l’abandon des combustibles fossiles constitue une priorité de sécurité nationale. Le marché des thermopompes est en explosion. À l’opposé, le Canada n’a toujours pas de programme national d’efficacité énergétique accessible à la population canadienne à faible revenu, laquelle n’a pas les moyens de payer les coûts initiaux pour l’isolation, l’étanchéisation et le chauffage propre.

Les investissements dans l’efficacité énergétique contribuent à lutter contre l’inflation parce qu’ils diminuent la demande de combustibles fossiles tout en réduisant directement les factures d’énergie. En coordonnant de manière stratégique des réaménagements à grande échelle⁠2, on peut encourager les jeunes qui se soucient du climat à entreprendre une carrière dans ce domaine et transformer les chaînes d’approvisionnement de manière à améliorer le coût et la vitesse des réaménagements et des constructions de maisons.

Nous avons également besoin d’investissements climatiques pour prémunir le Canada contre les conséquences des changements climatiques et des perturbations des chaînes d’approvisionnement.

De 2015 à 2025, les pertes de PIB attribuables à l’inaction climatique devraient atteindre 25 milliards, un montant qui pourrait s’élever à 101 milliards en 2050. En 2021, les Canadiens ont perdu environ 43 millions d’heures de travail potentielles en raison de l’exposition à la chaleur, et une canicule a tué 619 personnes en Colombie-Britannique. Nous devons nous préparer aux conséquences des changements climatiques tout en réduisant nos émissions : par exemple, en fournissant des thermopompes qui fonctionnent aussi comme des climatiseurs, et en protégeant et restaurant la biodiversité des forêts, des milieux humides et des marais salés qui séquestrent le carbone.

Enfin, le Canada ne peut pas se permettre de ne pas investir dans l’action climatique s’il souhaite demeurer concurrentiel dans un monde en route vers la carboneutralité. Le Canada a vite compris qu’à elle seule, la tarification du carbone ne représente pas une stratégie industrielle. Nous devons investir dans la capacité du secteur public à encadrer des missions socialement pertinentes, à comprendre les possibilités propres à chaque secteur et à exploiter rapidement ces possibilités.

Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas améliorer le coût de la vie, la sécurité et la concurrence des Canadiens. L’action climatique a longtemps été considérée comme un complément bienvenu. C’est maintenant une nécessité et nous devons dépenser ce qu’il faut pour en faire une réalité.

* François Delorme a été économiste en chef à Industrie Canada et haut fonctionnaire pendant une vingtaine d’années au ministère fédéral des Finances.

1. Consultez le rapport du Réseau Action Climat 2. Consultez le rapport d’Efficacité énergétique Canada Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion