La guerre Russie-Ukraine est un drame scandaleux et inutile.

Inutile dans la mesure où un plan de paix réaliste et raisonnable, respectant les exigences des diverses parties, peut être défini. Parler de paix en temps de guerre devrait être le rôle des diplomates de tous les côtés. Dans le contexte actuel du conflit Russie-Ukraine, les diplomates se sont malheureusement faits porte-paroles des ministres de la guerre. Un plan de paix ne peut se définir qu’en apportant des nuances. Les formuler est toujours dangereux en temps de crise, mais nécessaire.

La guerre ne pourra s’arrêter que lorsque des conditions réalistes et crédibles de sécurité de toutes les parties seront remplies. L’Ukraine veut pouvoir se développer socialement, politiquement et économiquement dans le respect de ses frontières et de ses choix, sans subir la présence continuelle, stressante et menaçante d’une épée de Damoclès. La Russie aussi. Comme la Finlande, la Géorgie et tous les autres pays. Comment arriver à satisfaire toutes ces demandes dans le cadre d’une entente multipartite respectant les uns et les autres ?

Pour y arriver, il faudra avoir le courage de réaliser que nous sommes, Ukrainiens, Russes et Occidentaux, embourbés présentement dans un cercle vicieux, où chaque camp réagit aux actions et stratégies de l’autre. Un équilibre de réactions rationnelles, mais myopes, s’est développé sur près de 15 mois : la coalition États-Unis–Union européenne–OTAN a refusé les demandes russes d’assurer sa sécurité, la Russie s’est positionnée aux portes de l’Ukraine, la coalition États-Unis–Union européenne–OTAN a durci le ton et annoncé le renforcement militaire de l’OTAN aux portes de la Russie, la Russie a envahi l’Ukraine, a poursuivi et augmenté ses attaques, la coalition États-Unis–Union européenne–OTAN a imposé une série de sanctions économiques et diplomatiques à la Russie, à ses dirigeants et leurs amis oligarques, la Russie a intensifié ses attaques contre les villes et citoyens en Ukraine, la coalition a procédé à une escalade des sanctions contre les institutions, athlètes, artistes et simples citoyens russes. Et on recommence et recommence.

Un va-et-vient de comportements stratégiques en apparence rationnels, mais nous menant inexorablement à une descente infernale vers les bas-fonds, sur le dos des populations les plus vulnérables, d’Ukraine au premier plan.

Pour sortir du mauvais équilibre dans lequel nous nous sommes enfermés mutuellement, il faudra de part et d’autre avoir le courage de faire preuve d’empathie, de tendre la main à l’ennemi du moment (l’ami de demain) et de reconnaître sa souffrance et son droit à une existence sécuritaire. Difficile certes, mais nécessaire. La recherche de l’équilibre gagnant-gagnant sur la base d’un traité de paix Russie–É.-U.–UE est plus subtile et intellectuellement et moralement plus exigeante que la poursuite de la guerre, mais cette recherche est essentielle au bien-être de toutes les populations ordinaires dévastées ou meurtries par la guerre.

Le mauvais équilibre actuel se stabilise de plus en plus avec l’envoi croissant d’armes lourdes en Ukraine et l’intensification des attaques russes. La Russie et l’Occident par l'entremise de l’Ukraine poursuivent le même objectif, très probablement illusoire, de mettre à genoux l’autre partie. Le développement croissant de la guerre atteindra un point de non-retour, peut-être déjà atteint. Nous risquons aujourd’hui d’être empêtrés et enchaînés dans ce mauvais équilibre pour un bon bout de temps, avec son lot quotidien de souffrances, de malheurs et de destructions aussi terribles qu’évitables.

La guerre en Ukraine fait reculer la civilisation sans raison de plusieurs décennies. Les retombées sur le libre-échange civilisateur sont sérieusement mises à mal de part et d’autre, sous l’impulsion prédominante des Américains. Et ce, au détriment des citoyens du monde, Ukrainiens et Russes surtout, mais aussi Européens, Américains, Canadiens et autres.

Pour éviter la poursuite du conflit Russie-Occident en Ukraine et l’émergence possible de conflits éventuels dans les régions limitrophes de la Russie, il nous faudrait un pays ou un groupe de pays capables de proposer un traité Russie-Occident (États-Unis–Union européenne) en trois volets : d’abord, la définition d’une zone tampon entre les militaires de Russie et de l’OTAN (États-Unis–Union européenne) ; ensuite, un engagement formel des parties de respecter les frontières et les choix sociaux, politiques et économiques des uns et des autres ; enfin, un engagement tout aussi formel des parties d’intervenir militairement si l’une d’entre elles devait s’aventurer militairement dans les territoires de la zone tampon. Cette zone tampon entre les militaires de Russie et de l’OTAN (États-Unis–Union européenne) serait constituée des pays limitrophes de la Russie, à savoir la Suède, la Finlande, l’Estonie, La Lettonie, la Lituanie (?), la Biélorussie, l’Ukraine, la Géorgie et l’Azerbaïdjan. Un traité ou alliance de « type défensif », du genre OTAN, basé sur une liberté responsable et un équilibre raisonnable avec garanties incitatives.

En échange d’une garantie de la Russie et des Occidentaux (États-Unis–Union européenne) de respecter les choix sociaux, politiques et économiques des pays de la zone tampon, ces pays, l’Ukraine en tête, s’engageraient à une neutralité internationale « à la Suisse », hors de l’OTAN et de l’Union européenne.

Sous les auspices d’une Organisation mondiale du commerce revigorée, le traité garantirait le droit de ces pays de conclure des accords commerciaux avec l’Europe et la Russie et d’autres parties du globe, telles la Chine, l’Afrique et l’Amérique.

Les dirigeants des États de la zone tampon pourraient concentrer leurs énergies au développement sociopolitique et économique de leur pays respectif, en toute sécurité et en toute liberté. Rien ne les empêcherait par exemple de rester membres avec la Russie du Conseil de l’Europe et d’autres organisations de concertation et de coopération internationales.

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