M. Legault, vous êtes reconnu pour votre pragmatisme et votre capacité à penser en mode solution.

Dans le dossier du chemin Roxham, vous avez éloquemment pressé le gouvernement Trudeau de prendre sa part de responsabilités, tout en exprimant votre inquiétude sur la capacité des services publics et communautaires québécois à accueillir dignement ces nouveaux arrivants. Dans vos prises de position publiques, vous avez tout particulièrement souligné le poids du flux migratoire actuel sur le système scolaire québécois, et vous avez affirmé : « Moi, je n’accepterai pas qu’un enfant, même s’il est réfugié, ne soit pas envoyé tous les jours à l’école ». Ce souci de l’éducation de tous les enfants, quel que soit leur statut migratoire, vous honore et confirme votre engagement à faire de l’éducation une priorité de votre gouvernement.

Mais les tout-petits demandeurs d’asile, M. Legault, passent-ils sous le radar ?

Il est maintenant amplement prouvé que le succès scolaire et l’intégration à la société dépendent de manière absolument critique du développement et de l’éducation dès les toutes premières années de vie.

Or les portes des CPE et des garderies subventionnées du Québec, qui sont les premières mailles de notre système éducatif, sont fermées aux enfants des demandeurs d’asile, que ces enfants soient nés au Québec ou non. Cette exclusion s’applique aussi aux tout-petits réfugiés ukrainiens, accueillis au Canada grâce à un statut migratoire d’exception. Pour ces enfants, les retards de développement accumulés pendant la petite enfance, faute d’accès à un milieu éducatif de qualité, risquent de créer des problèmes à long terme de réussite scolaire.

Ces tout-petits, ils sont nés sur le chemin de l’exil. Ils ont vécu les marches du sud au nord de l’Amérique ou ont quitté l’Ukraine en guerre. Ils ont traversé notre frontière à pied, par le chemin Roxham ou sont arrivés à l’aéroport Montréal-Trudeau portés par le message d’accueil de notre société québécoise.

Ces tout-petits, notre équipe de médecine sociale les accompagne au quotidien et peut constater l’ampleur de leurs besoins. Les stress toxiques de la guerre, de la violence, de la pauvreté et de l’exil les marquent tout autant que leurs parents.

Anxiété, mutisme, retards de développement et de langage, ces enfants portent dans leur corps et dans leur tête l’impact d’un violent déracinement.

Il y a quelques années, les écoles du Québec se sont ouvertes à tous les enfants, quel que soit leur statut. N’est-il pas temps, dans le cadre de la crise migratoire actuelle, de boucler la boucle et de garantir le droit à l’égalité des chances à tous les enfants qui résident au Québec, en ouvrant aux demandeurs d’asile les portes des centres de la petite enfance ?

Notre société québécoise a pris, dans le cadre de la commission Laurent, l’engagement moral de prendre soin de tous ses enfants. Pour mettre en place un réel réseau de bienveillance pour tous nos enfants, pensez également, M. Legault, à ces tout-petits oubliés que sont les enfants demandeurs d’asile.

* Cosignataires de l’équipe interdisciplinaire du Centre de pédiatrie sociale de Saint-Laurent/Au cœur de l’enfance : Lionel Alberti, pédiatre ; Julie Baïlon-Poujol, pédiatre ; Myrill Solaski, médecin de famille ; Sanja Stojanovic, pédiatre

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