Québec reconnaît le caractère collectif de ses ressources en eau depuis 20091. Il serait maintenant temps d’en faire de même pour ses sols, dont l’utilisation en milieu urbain est essentiellement fondée sur la propriété individuelle et foncière.

Dans le langage courant, le mot « sol » est souvent utilisé pour désigner une surface inerte plutôt qu’une masse dynamique. Or, le sol est une ressource naturelle vivante qui héberge des centaines de milliers d’organismes, tels que des bactéries, des champignons et des insectes.

Il est fondamental à la survie humaine, car il fournit les nutriments essentiels à la croissance des plantes qui nous nourrissent, nous soignent et nous rendent une panoplie de services écologiques. Les sols contribuent au stockage du carbone, ils améliorent la qualité de l’eau et réduisent les risques d’inondation.

Peu importe où nous nous trouvons, la qualité du sol qui nous entoure a un impact sur nos vies.

Malheureusement, les fonctions essentielles du sol ne sont pas immuables. Elles deviennent inefficaces lorsque son équilibre naturel est perturbé, notamment par des contaminants et des polluants. Il existe certaines dispositions législatives et réglementaires qui visent à prévenir la contamination des sols et à les réhabiliter.

Cependant, plusieurs obstacles découlant de la propriété individuelle ne permettent pas de réduire efficacement les risques environnementaux et amplifient même certains enjeux socioéconomiques.

En effet, les coûts de décontamination élevée excèdent souvent la valeur du terrain. Par conséquent, ces terrains restent contaminés et deviennent des espaces vacants. La divulgation de l’état de contamination d’un terrain est d’autant plus problématique, puisqu’elle n’est obligatoire qu’en fonction de certains éléments déclencheurs et d’autres situations bien particulières2.

Il en résulte que pour un grand nombre de terrains contaminés, aucun avis n’est inscrit au registre foncier et l’information n’est colligée dans aucune base de données gouvernementale.

À l’échelle de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), ce sont près de 3900 hectares d’espace qui sont vacants. Un grand nombre d’entre eux seraient contaminés, bien que la situation législative et réglementaire actuelle ne permette pas de le confirmer.

Ces terrains sont collectivement problématiques, car ils réduisent la possibilité d’en tirer des revenus par le biais de la taxe foncière, ils font baisser la valeur immobilière des quartiers, ils contribuent à l’étalement urbain et par le fait même à la dégradation des milieux naturels.

Les terrains vacants menacent aussi la santé humaine et environnementale, car la contamination peut migrer vers les propriétés avoisinantes et atteindre les eaux souterraines.

Revitaliser les sites industriels et vacants dans la CMM

La CMM vient tout juste d’annoncer qu’elle débloquait 3 millions de dollars pour la création d’un nouveau programme de revalorisation des espaces industriels. L’un des objectifs clés est de valoriser les terrains vacants. Mais comment va-t-elle relever ce défi ambitieux si elle ne connaît pas l’état de leur contamination ou la véritable raison de leur inoccupation ?

Si nous avions un cadre juridique qui reconnaissait le caractère collectif des sols, leur état de contamination pourrait être accessible publiquement, même sur les terrains privés. On pourrait obliger les terrains inoccupés depuis plus d’un nombre déterminé d’années à se soumettre à une étude de caractérisation du sol.

Une telle transparence mènerait certainement à une meilleure planification et à une gestion plus rigoureuse du territoire et des risques environnementaux.

Il apparaît évident que le cadre actuel entraîne la prolifération des terrains contaminés vacants et représente une importante perte d’opportunité pour les municipalités. Rappelons-nous que la CMM s’est engagée à protéger 30 % de son territoire d’ici 2030 et que plusieurs de ses municipalités sont aux prises avec des zones d’îlots de chaleur.

Verdir de manière temporaire ou permanente les terrains vacants devient alors une approche stratégique et cohérente avec les besoins d’adaptation climatique, de protection de la biodiversité et de justice environnementale.

Comme l’a écrit David Suzuki à l’aube du Sommet de la Terre de Rio en 19923 : « Quand nous mettons en péril l’air, l’eau, le sol et la diversité de la vie, nous volons l’infini à l’avenir pour satisfaire un présent éphémère. » Il faut se rendre à l’évidence que le sol, tout comme l’eau et l’air sont des ressources collectives intimement liées à nos besoins vitaux et que nous devons impérativement les protéger au bénéfice de tou.te.s.

1. Consultez la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau

2. La divulgation de l’état de contamination d’un terrain est actuellement régie par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP)

3. Lisez la Déclaration d’interdépendance de 1992 Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion