Les révélations récentes visant les abus de tous genres dans le milieu du sport et des allégations sordides et dégradantes des pratiques d’initiation au hockey junior suscitent une question capitale pour l’avenir des jeunes sportifs du Québec : comment offrir un milieu sain exempt d’abus à nos athlètes ? Une action s’impose : la création du Tribunal du sport du Québec.

Ces scandales cachent un problème plus généralisé quant à la culture du sport trop souvent caractérisé par l’absence de transparence, l’omerta et les abus de pouvoir. Pour lever le voile sur ces pratiques et y mettre un terme, le milieu du sport québécois doit se doter d’un tribunal indépendant.

Actuellement, il n’existe au Québec aucun tribunal indépendant et transparent, offrant l’expertise requise qui permettrait de faire la lumière sur les abus du milieu sportif – à l’exception des tribunaux pénaux. Cette lacune rend vulnérables un nombre incalculable d’enfants, adolescents, athlètes, bénévoles et parents, les empêchant d’obtenir une réparation juste et équitable. Les organisations monopolistiques sportives sont ainsi très mal surveillées, entretenant un climat d’opacité propice aux abus.

Les conflits entre les fédérations et leurs membres – clubs, athlètes, entraîneurs, etc. – sont ainsi soumis à la bonne volonté du processus de règlement interne des fédérations. Cette situation pose des problèmes importants quant à l’indépendance, la transparence et l’efficacité de ces organes.

En effet, leurs décisions ne sont soumises à aucune règle de publicité ni droit d’appel crédible, encourageant ainsi une culture du silence et même de représailles envers les plaignants. Par exemple, un entraîneur suspendu par sa fédération provinciale concernant des comportements déplacés pourrait continuer de superviser des enfants, sans qu’il ne soit possible pour un parent d’en avoir connaissance.

De plus, ces comités internes soulèvent des questions légitimes sur leur indépendance puisqu’ils sont généralement nommés par la fédération, alors qu’ils doivent en juger le comportement. La distance requise pour rendre des décisions impartiales devient alors difficile à présenter, ne serait-ce qu’en apparence.

Les organes judiciaires des fédérations sont également tributaires de la générosité des personnes qui désirent agir bénévolement pour siéger à ces comités. Bien que valeureuses et de bonne foi, ces personnes n’ont pas nécessairement les connaissances juridiques nécessaires, l’expérience spécifique ou même les multiples heures de temps bénévole requises pour s’acquitter convenablement de leur tâche.

Un tribunal arbitral indépendant

Pour remédier à ce déséquilibre des forces, la mise en place d’un Tribunal du sport du Québec permettrait d’assurer une surveillance sur l’ensemble des fédérations sportives et leurs ligues sanctionnées – la Ligue de hockey junior majeur du Québec, par exemple – afin d’offrir un mécanisme de règlement simple, efficace et rapide qui répond aux particularités du milieu du sport.

Le Québec devrait s’inspirer du pendant juridique canadien, le Centre des règlements des différends sportifs du Canada (CRDSC), qui, depuis plus de 20 ans, fournit à la communauté sportive canadienne un service indépendant, impartial, rapide et économique pour traiter des contestations entre les fédérations nationales et leurs membres.

Par des décisions publiques et étoffées, le CRDSC a permis d’imposer des normes minimales auxquelles les fédérations nationales sont tenues envers la communauté sportive, notamment le devoir de rendre des décisions transparentes, claires, prévisibles et exemptes d’apparence de biais ou de favoritisme.

Ultimement, ces mécanismes ont permis de faire la lumière sur certaines lacunes au sein des fédérations en les rendant imputables envers leurs membres.

Puisque le CRDSC n’a compétence que sur les fédérations nationales, leurs pendants provinciaux ne sont pas soumis à ces mêmes standards. En instituant un tribunal similaire au Québec, les athlètes et la population pourraient enfin bénéficier d’un équilibre des forces plus équitable et seraient en droit de s’attendre à une plus grande transparence et reddition de comptes de leur fédération.

Répondre aux spécificités du sport

L’instauration du Tribunal du sport du Québec permettrait de répondre aux caractéristiques bien singulières du domaine sportif que sont les délais souvent très serrés, des ressources limitées et des rapports de force inégaux. Trop souvent, les athlètes refusent de s’opposer à leur fédération de peur de représailles qui pourraient affecter leur carrière.

Le Tribunal du sport du Québec mettrait à la disposition des acteurs sportifs des services d’arbitrage et de médiation, chapeautés par des personnes expérimentées en droit et en sport. Les parties en position d’infériorité pourraient ainsi obtenir en toute confiance un système de réparations juste, équitable et efficace dans le respect des contraintes du milieu du sport.

Le Québec mérite un système sportif qui fonctionne et dont les différends sont réglés avec crédibilité, rapidité et économie, et par des professionnels neutres du milieu. Il en va de la protection de notre jeunesse et de l’avenir de notre riche culture sportive québécoise.

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