Chaque année, le gouvernement du Québec donne un titre évocateur à son budget provincial. Cette année, nous proposons : « Le Québec en action pour une société plus juste ».

Au printemps 2018, le Regroupement des organismes communautaires de la région 03 (ROC 03) et ses membres avaient produit la déclaration « L’épuisement et précarité des travailleuses et travailleurs communautaires : une situation insoutenable ». Cependant, les défis liés aux ressources humaines, la multiplication des dossiers et les priorités changeantes à cause de la conjoncture ont fait en sorte que ce cri du cœur si important a été étouffé par la clameur des autres enjeux. Nous voilà en 2023, et la situation s’est détériorée, avec une pénurie de main-d’œuvre accrue, une inflation substantielle et deux ans de pandémie.

Dans la dernière année, le ROC 03 a pu constater un niveau de détresse et de découragement inégalé dans de nombreux organismes communautaires autonomes de la Capitale-Nationale. Les difficultés d’embauche et de rétention de personnel, la complexité des demandes d’aide et la hausse effrénée du coût de la vie créent un contexte propice à ce que les gens qui s’y engagent jettent du lest ou abdiquent.

Pourquoi le gouvernement finance-t-il les organismes communautaires autonomes ? Parce qu’il a reconnu leur contribution essentielle à la communauté et qu’il a considéré qu’ils étaient un maillon indispensable du filet social du Québec !

Malgré cette reconnaissance, nombre d’organismes communautaires autonomes reçoivent encore aujourd’hui un financement famélique, qui ne leur permet pas d’être des employeurs prisés. Lorsqu’ils décrivent les difficultés liées à leur rôle d’employeur, le gouvernement propose dans un plan d’action de les former en gestion des ressources humaines, alors que le principal problème réside justement dans un manque de ressources. Tiendrait-il le même discours à des entreprises privées qu’il finance pourtant de manière conséquente ?

Un réinvestissement significatif dans la mission des organismes communautaires autonomes serait une première étape afin qu’ils puissent mieux jouer ce rôle d’employeur et, ainsi, ultimement, éviter que travailler dans le communautaire continue de rimer avec misère, pour celles et ceux qui choisissent de le faire.

La complexité et la diversité des demandes d’aide se sont également intensifiées, ce qui a souvent mené à une surcharge pour les organismes, les intervenants et les bénévoles. Comment répondre à toutes ces demandes lorsqu’on est en sous-effectif ? Comment maintenir son engagement lorsque le sentiment d’impuissance devient étouffant ? Comment fonctionner au quotidien lorsque les listes d’attente s’allongent ? Comment trouver l’équilibre entre sa vie personnelle et la réponse immédiate aux besoins criants des personnes vulnérables qui cognent aux portes des organismes ?

Plusieurs vivent de la détresse alors qu’ils doivent soutenir les personnes qui en vivent. D’autres éteignent des feux alors qu’ils ont une mission de prévention. Dans un cas comme dans l’autre, la fatalité semble gagner du terrain.

Soulignons que les organismes communautaires se font dire depuis des décennies qu’ils doivent faire plus avec moins. C’est sûrement pour cela que de nombreuses subventions ne sont pas indexées annuellement. Ils font effectivement plus avec moins d’année en année. Sachant qu’une hausse significative de l’indice des prix à la consommation équivaut à une réduction des conditions de travail si les salaires ne sont pas majorés, quelles pertes les personnes qui travaillent dans le communautaire sont-elles en train d’assumer ? Le maintien et l’amélioration des conditions de travail sont essentiels à la stabilité des équipes de travail et à la rétention de l’expertise. 

Les travailleuses et travailleurs du communautaire n’ont pas fait vœu de pauvreté, elles et ils sont capables d’abnégation et ont un grand sens du devoir. Les amener au point de rupture ne sert aucune cause. 

Pour une société plus juste, le gouvernement doit choisir de financer décemment les organismes communautaires autonomes !

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