À cinq mois de la fin d’un mandat qu’elle souhaite renouveler, la présidente directrice générale de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, a décidé de prendre de front le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, pour son aversion à l’endroit du service public.

Dans une entrevue au Globe and Mail la semaine dernière, cette dernière a dénoncé la campagne « Defund CBC » (Arrêtez de financer la CBC) organisée par le Parti conservateur. Il s’agit d’une pétition en ligne qui invite les gens à soutenir la politique du Parti conservateur de Pierre Poilievre visant à mettre fin au financement de CBC par le gouvernement canadien. De l’argent gaspillé, selon lui. Les contribuables verseraient inutilement 1 milliard de dollars à une institution qui a un parti pris contre les idées de son parti. En prenant ainsi position, Catherine Tait semble confirmer les dires du chef conservateur. Quelle mouche a piqué la grande patronne de CBC/Radio-Canada ?

C’est la première fois qu’une dirigeante de CBC/Radio-Canada prend position sur la place publique contre un parti politique.

De surcroît, il s’agit du parti qui constitue l’opposition officielle et qui pourrait prendre le pouvoir aux prochaines élections.

À l’époque du gouvernement libéral de Jean Chrétien, la direction de CBC/Radio-Canada, les présidents Veilleux et Manera étaient restés neutres sur la place publique, même lorsque les compressions budgétaires majeures du gouvernement libéral sont venues ébranler les finances du service public. Certes, le président Tony Manera avait démissionné, mais sans préciser que c’était en désaccord avec le gouvernement. Il ne le fera que plus tard, bien après sa démission.

Le sens politique de la PDG de CBC/Radio-Canada ne semble pas puiser dans la tradition de neutralité et d’indépendance de ses prédécesseurs. C’est très malheureux.

Faut-il rappeler que c’est aussi Catherine Tait qui avait invité l’année dernière ses employés de la station d’Ottawa, compris les journalistes, à participer à une marche à la mémoire des victimes des pensionnats pour les autochtones. Il s’agissait bien entendu d’une cause noble, mais manifester en faveur d’une cause est contraire aux normes et pratiques journalistiques de CBC/Radio-Canada. Cela ne l’avait pas gênée. Les journalistes, oui.

C’est aussi Catherine Tait qui a laissé tomber l’ombudsman des services français de Radio-Canada dans ce dossier du fameux mot qui commence par « n ». C’est qu’elle n’a pas voulu défendre la conclusion de son ombudsman qui ne voyait rien à redire au travail journalistique d’un chroniqueur d’une émission de la radio. Celui-ci avait parlé en ondes du fameux livre de Pierre Vallières qui a semé la controverse. Elle n’a donc pas soutenu son ombudsman, totalement indépendant, et a plutôt choisi d’obliger le service français de Radio-Canada de s’excuser auprès d’un plaignant qui avait demandé au CRTC de blâmer Radio-Canada pour cette chronique. C’est d’ailleurs elle qui a forcé la direction des services français à s’excuser, malgré un désaccord manifeste. Mince consolation, elle a tout de même autorisé d’en appeler de cette décision du CRTC qui s’ingérait ainsi dans la programmation du service public et ses choix éditoriaux.

Ces incartades de la PDG de CBC/Radio-Canada sont contraires à la tradition de neutralité et d’indépendance de l’institution. Il faudra y songer à deux fois avant de renouveler son mandat.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion