En réponse à l’éditorial de Philippe Mercure sur le chemin Roxham publié le 1er février.

Nous avons été interpellés directement par l’éditorial de Philippe Mercure « Au lieu de déchirer nos chemises sur Roxham ». À notre avis, ce texte comporte plusieurs énoncés qui méritent des clarifications et ne tient pas compte de l’ensemble de nos propositions. Étant donné l’importance et la grande sensibilité de ce sujet, il nous apparaît nécessaire d’y répondre.

D’abord, l’idée avancée par l’auteur que de fermer le chemin Roxham « est une solution simpliste qui n’a aucune chance de fonctionner » est facilement contredite par le fait qu’il a été fermé durant plus d’un an, entre mars 2020 et novembre 2021.

Également, le fédéral est déjà intervenu dans des situations analogues. Par exemple, à la suite de la venue, dans des circonstances pourtant bien plus exceptionnelles, de deux bateaux de demandeurs d’asile au port de Vancouver en provenance du Sri Lanka, Ottawa a modifié en 2012 la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour éviter que ça ne se reproduise. Or, à l’origine, on parlait pourtant d’environ 600 demandeurs d’asile. De manière générale, le raisonnement suivant lequel, si on ne laisse pas entrer à un endroit précis toutes les personnes désireuses de traverser la frontière, elles réussiront de toute façon à le faire à un autre endroit, revient à abandonner le concept même de frontière. Comment concilier l’abolition effective des frontières avec la démocratie et surtout la social-démocratie ?

L’idée qu’on ne connaît pas « les conséquences sur le nombre de migrants qui cogneraient à nos portes » en cas de suspension de l’Entente sur les tiers pays sûrs mérite d’être discutée.

La suspension de l’Entente rendrait caduc le chemin Roxham en permettant aux demandeurs d’asile de passer par un poste régulier. Ceci permettrait au pays d’analyser les demandes dans le processus régulier.

Sur la fermeture en tant que telle, ce que nous savons avec certitude, c’est que lorsque le chemin Roxham a été fermé, on pouvait compter les passages irréguliers au Québec, sur l’ensemble de la frontière, à seulement 3189 en 2020 et à 4095 pour toute l’année 2021, pour ensuite bondir à près de 40 000 en 2022 après la réouverture intentionnelle du chemin. L’attractivité du chemin Roxham est due à son accessibilité et la normalisation des passages irréguliers.

Il est important de mentionner que le Parti québécois (PQ) demande la suspension de l’Entente sur les tiers pays sûrs depuis maintenant cinq ans. Or, rien ne bouge depuis. Mais la renégociation de l’Entente ne devrait en aucun cas nous empêcher d’agir. L’article 10,3 de l’Entente est clair, il autorise sa suspension de manière unilatérale.

Nous notons également que l’auteur présente la bonification des ressources comme l’une de ses solutions sans l’associer au Parti québécois. Or, c’est le PQ qui, depuis des mois et durant la dernière campagne, propose d’augmenter les ressources en intégration de 50 % et de bonifier massivement le financement des organismes communautaires. Il en va de même pour la solution de combattre les réseaux criminels de passeurs : le PQ le réclame depuis plusieurs mois.

Une des solutions avancées par l’auteur est de mieux répartir le flot de migrants à travers les provinces. D’accord. Mais comment y arriver alors que 99 % des passages irréguliers au Canada ont lieu au Québec seulement ?

De plus, comment coordonner ce flux migratoire si le nombre d’entrées irrégulières, déjà à près de 40 000, augmente encore de plusieurs dizaines de milliers au cours des prochaines années ?

En terminant, il nous apparaît indispensable de rappeler que ce sont des donateurs du Parti libéral du Canada qui gèrent les installations du chemin Roxham et qu’on est potentiellement devant un autre scandale des commandites, aux dépens du Québec.

M. Mercure signait récemment un éditorial intitulé « Allez travailler, les péquistes ! ». De toute évidence, nous ne manquerons pas de boulot.

* Paul St-Pierre Plamondon est chef du PQ ; Stéphane Handfield est co-porte-parole du PQ en matière d’immigration et avocat en droit de l’immigration ; Pascal Bérubé est co-porte-parole du PQ en matière d’immigration.

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