Le 29 janvier, il y a eu la commémoration du sixième anniversaire de la tuerie à la grande mosquée de Québec. La commémoration a eu lieu à l’intérieur de la mosquée même qui a vu le sang couler et les corps des victimes innocentes tomber.

J’étais présent à la commémoration ; j’ai vu la résilience des familles des victimes, les rescapés et toute la communauté musulmane de Québec. Ils ont montré clairement leur refus de l’islamophobie, de la haine et de la violence. Ils ont aussi manifesté, et avec la même véhémence, leur attachement au Québec et à la ville de Québec, malgré la tragédie.

Mardi dernier, le 31 janvier, j’étais aussi présent quand l’Assemblée nationale du Québec a voté à l’unanimité une motion présentée par l’opposition officielle pour honorer la mémoire des victimes de la tuerie de la grande mosquée de Québec, montrer sa solidarité avec leurs familles et condamner sans aucune nuance tous les discours et tous les gestes de haine, de racisme et de discrimination envers la communauté musulmane ainsi que toute manifestation de xénophobie et d’islamophobie, invitant le gouvernement du Québec à multiplier les initiatives visant à mettre ces phénomènes en échec.

Une réflexion historique s’impose. Il s’agissait du premier vote que Paul St-Pierre Plamondon, le chef du Parti québécois, a fait à l’Assemblée nationale.

Cette motion n’était pas la première à condamner l’islamophobie à l’Assemblée nationale. En effet, en 2015, l’Assemblée nationale a voté, à l’unanimité aussi, une motion présentée par Françoise David de Québec solidaire visant à « condamner l’islamophobie et les appels à la haine et à la violence envers les Québécois de confession musulmane ».

Nous ne pouvons pas nier l’existence ou le danger de l’islamophobie. Elle existe au Québec comme ailleurs au monde, et elle tue.

Cependant, la reconnaissance de l’existence de l’islamophobie et de son danger ne signifie pas que l’on accuse les Québécois d’être islamophobes ou que l’on accuse le Québec d’être islamophobe. Ça dit tout simplement que l’islamophobie, malheureusement, comme l’antiféminisme ou l’antisémitisme, existe et fait des victimes innocentes et qu’on doit, comme société, la combattre et s’en protéger.

Les victimes des mosquées de Québec et de Toronto et du parc de London, en Ontario, ont été tuées ou blessées parce qu’elles étaient musulmanes. Alors qu’on nomme les choses par leur nom. Il ne faut pas avoir peur de nommer le mal pour pouvoir le combattre.

L’islamophobie ne menace pas seulement les musulmans, mais toute la société.

Quand on parle des victimes, il faut aussi parler d’Adréanne Leblanc, cette jeune ambulancière qui s’est donné la mort à la suite de son intervention en première ligne lors de l’attentat à la grande mosquée de Québec. Il faut aussi parler des parents du tueur lui-même et de ses amis. En commettant son crime, il a détruit leurs vies en même temps qu’il a détruit les vies de victimes innocentes à la mosquée. Les victimes de l’islamophobie au Canada étaient des universitaires et des professionnels qui contribuaient très positivement à la société qu’ils ont choisie et qui les a accueillis. Après les familles des victimes, le plus grand perdant n’était pas leurs pays d’origine, mais plutôt cette société d’accueil qu’ils servaient avec dévouement et loyauté.

Malheureusement, la tuerie de Québec a encouragé certaines personnes au Canada anglais à faire ce qu’on appelle du Quebec bashing en essayant de traiter les Québécois de xénophobes ou d’islamophobes. À cet égard, on peut signaler qu’avant la tuerie de la mosquée à Québec, il y a eu la fusillade de l’église à Charleston, et qu’après la tuerie de Québec il y a eu les tueries à la synagogue de Pittsburgh, aux deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, à la mosquée de Toronto, au parc de London, en Ontario, et bien d’autres tueries à travers le monde.

Les remarques de la nouvelle conseillère contre l’islamophobie, Amira Elghawaby, découlent probablement d’un manque de connaissance du Québec.

Ces remarques ont amené certains politiciens à réclamer non seulement sa démission, mais l’abolition du poste lui-même.

À cet égard, au lieu de se concentrer sur la personne, il faut mettre l’accent sur le fléau qu’est l’islamophobie, sur ses dangers et sur les moyens à prendre pour l’éradiquer. Plutôt que d’abolir le poste au fédéral, il serait plus judicieux d’en créer un au Québec pour mieux refléter sa réalité distincte. La société québécoise mérite aussi d’être protégée de l’islamophobie et de toute forme de xénophobie, comme le mentionne la motion adoptée à l’unanimité par l’Asssemblée nationale. La lutte contre l’islamophobie doit être menée aux niveaux fédéral, provincial et municipal.

Finalement, c’est avec le dialogue qu’on va respecter la mémoire de nos martyrs et qu’on va réussir à offrir à nos enfants un avenir libre de préjugés, de haine et de violence. Nous ne pouvons rien faire pour les morts, mais nous devons protéger les vivants.

Précision
Dans une version précédente du texte, il était indiqué que la motion présentée par l’opposition officielle pour honorer la mémoire des victimes de la tuerie de la grande mosquée de Québec avait été votée le 1
er février. Or, elle a plutôt été votée le mardi 31 janvier.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion