L’auteure réplique à la chronique de Mario Girard, « Présentation de Is God Is : soirées “exclusives” », publiée le 31 janvier

Dans son texte intitulé « Soirées “exclusives” », le chroniqueur Mario Girard a écrit à propos des membres de l’organisme que j’ai cofondé, l’Association des Québécois unis contre le racialisme (AQUR), « qu’il faut prendre son gaz égal » avant d’affirmer que les soirées théâtrales réservées aux « Noirs » sont une nouvelle forme de « ségrégation raciale ». À titre de personne à la peau noire, je persiste et signe : je n’accepterai jamais qu’on divise ma société en « Noirs » et « Blancs ».

Contrairement à M. Girard, qui semble jouir de certains privilèges que je n’ai peut-être pas, je ne prendrai aucun pas de recul face à cette nouvelle pratique des safe spaces. Je continuerai à crier au scandale face à ce genre d’initiatives qui mettent à mal le vivre-ensemble, qui divisent mes concitoyens et qui répugnent à bon nombre de personnes à la peau noire.

Car si certains semblent à l’aise de s’enfermer dans une chambre d’écho avec ceux qu’ils estiment être leurs semblables parce qu’ils partagent la même couleur de peau, ce n’est certainement pas le cas pour « toute nous autres », comme on dit par chez nous.

Je peux vous assurer, M. Girard, que nous sommes plusieurs à fuir ce genre d’activités, car ce que nous souhaitons avant tout, c’est vivre en harmonie avec nos concitoyens, quelle que soit leur couleur de peau.

Les personnes « noires » que je représente sont celles qui sont tannées d’entendre dans l’espace public un discours qui ne correspond pas à leur réalité. Ce sont des personnes qui veulent se tenir debout face à cette ségrégation raciale qui s’infiltre partout, même dans nos espaces de travail, où certains employeurs osent nous proposer de nous regrouper entre nous pour guérir nos blessures. Nous ne sommes pas systématiquement souffrants, monsieur.

Je vais révéler un secret de Polichinelle : tous les « Noirs » ne pensent pas de la même façon. Eh oui, il y en a qui se sentiront en danger dans un safe space parce que la diversité d’opinions leur tient à cœur.

Savez-vous ce qu’une personne comme moi risque en se présentant dans ce genre d’espaces ? De se faire traiter de traîtresse, de « coon » ou de « négresse de maison ». Car oui, monsieur, ce sont les insultes que certains progressistes « noirs » me balancent à l’occasion parce que, selon eux, je ne suis pas du bon côté de l’Histoire.

Dans votre texte, vous dites que « c’est facile d’affirmer, quand on a toujours fait partie d’un groupe majoritaire, que ces soirées sont du racisme inversé ». Pourtant, j’ai la peau noire et je vous martèle que ces soirées sont bel et bien du racisme inversé. Mon désir, et celui de ceux que je représente, est de faire société avec ma société.

La ségrégation raciale à la sauce américaine, on n’en veut pas chez nous. L’Histoire ne nous a-t-elle pas appris que séparer les peuples par la couleur de leur peau est une abomination ?

Vous nous posez cette question : « Pourquoi monter sur ses grands chevaux quand des soirées Black Out ou réservées aux PANDC sont programmées dans des théâtres ? »

Parce que nous ne vaincrons pas le racisme en créant une nouvelle forme de racisme ! Parce que ce n’est pas le monde que nous voulons léguer à nos enfants ! Parce que nous ne voulons pas retourner à une époque révolue ! Parce que nous voulons avancer main dans la main avec tous nos concitoyens !

Sachez également, monsieur, qu’avoir la peau noire en cette ère moderne ne nous empêche nullement de nous fondre dans la masse de « Blancs » qui nous entoure. Car savez-vous ce qui nous unit ? Une citoyenneté commune, une langue commune, des valeurs communes, des références culturelles communes. Oui, monsieur, que nous soyons « Noirs », « Blancs » ou de n’importe quelle origine, notre appartenance à notre Québec fait de nous des frères et des sœurs.

Je déambule dans les rues de ma ville sans le moindre malaise parce que je suis entourée des miens. Et cette fraternité, que j’observe notamment au sein de mon organisme qui regroupe des Québécois de tous les horizons, je ferai tout en mon pouvoir, monsieur, pour la protéger.

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