Nous sommes à la croisée des chemins pour le transport collectif au Québec. Nous, leaders économiques, sociaux et environnementaux du collectif G15+, croyons qu’il faut trouver des moyens ambitieux de financer ce service essentiel de façon prévisible partout sur le territoire québécois.

Il y a trois ans, alors que tout le Québec était mis sur pause pour faire face à la pandémie, nous avons répondu à l’appel du gouvernement du Québec et avons formulé des propositions en faveur d’une relance solidaire, prospère et verte. Prioriser les investissements en mobilité durable nous est apparu essentiel. Essentiel pour déplacer la population qui dépend du transport collectif pour se rendre au travail ou qui cherche une solution de rechange à l’auto solo, pour réduire les heures non productives passées dans la congestion, pour lutter contre la crise climatique, pour améliorer notre santé et pour contrer la flambée du coût de la vie.

Rappelons qu’avant la pandémie, même si le transport collectif gagnait en popularité et atteignait à certains endroits des niveaux records, l’offre était loin d’être idéale : fréquence et qualité insuffisantes dans plusieurs municipalités, autobus et wagons de métro saturés en heures de pointe et services interurbains peu développés.

Puis, le télétravail et les nouvelles habitudes de déplacement ont fait chuter l’achalandage et, par le fait même, les revenus des sociétés de transport.

Les gouvernements du Québec et du Canada ont mis en place des aides d’urgence afin de maintenir l’essentiel des services. Nous les avons applaudis. Or, force est de constater que ces aides sont insuffisantes1 face à l’ampleur des besoins des usagers, et elles n’assurent aucune prévisibilité à nos sociétés de transport qui appellent à l’aide.

Le précédent ministre des Transports, François Bonnardel, s’était engagé à éviter les coupes de services et à convenir d’un cadre financier de cinq ans qui assurerait la prévisibilité du financement aux sociétés de transport et ramènerait les usagers à bord. Les organisations du G15+ s’attendent à ce que la nouvelle ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, y donne suite. Cette entente devra permettre d’éviter toute coupe de services et de mettre le gouvernement fédéral à contribution.

Combler l’écart d’investissement en transport collectif

L’ambition du premier ministre François Legault est de combler l’écart de richesse avec l’Ontario.

La bonne nouvelle, c’est que le transport collectif contribue clairement à nous en rapprocher grâce à un impact sur l’économie québécoise près de trois fois supérieur à celui de l’auto solo2, tant en matière d’emploi que d’argent. À l’inverse, le transport routier, qui coûte cinq fois plus cher à la société que le transport collectif, nous en éloigne.

Sachant cela, est-il acceptable de consacrer au réseau routier 70 % de nos investissements des 10 prochaines années en transport3, dont 24 % sont dédiés à la construction de nouvelles routes, pendant que cette part n’atteint pas 30 % en Ontario ?

Poser la question, c’est y répondre. La situation n’est plus tenable.

Nous invitons le premier ministre à fixer une nouvelle ambition pour le Québec qui viendra soutenir son objectif de création de richesse : combler l’écart d’investissement en transport collectif avec l’Ontario, qui est trois fois supérieur par personne chez notre voisin.

Dans son Plan pour une économie verte 2030, le gouvernement du Québec s’est engagé à rééquilibrer ses investissements entre le réseau routier et le transport collectif, en plus de développer des projets majeurs de transport collectif dans plusieurs régions du Québec. Nous nous sommes réjouis de ces engagements, qui vont dans le sens d’un objectif clé de sa Politique de mobilité durable 2030, celui d’augmenter l’offre de services en transport collectif de 5 % par année d’ici 2023.

Nous croyons qu’il faut mettre en place des moyens plus ambitieux pour rendre les solutions de rechange à l’auto solo plus attirantes. Nous proposons de doubler l’offre de transport collectif d’ici 10 ans dans toutes les régions du Québec.

Relever ce défi constituerait un héritage majeur à la société québécoise et une source de fierté pour les prochaines décennies.

Le transport collectif, une priorité des Québécois

Connecter les gens de toutes les régions avec du transport collectif attrayant et compétitif doit devenir une ambition similaire à celle de quadriller notre territoire avec de l’internet haute vitesse.

Nous en appelons à accélérer les investissements dans le développement et le maintien des infrastructures de mobilité durable, une priorité clairement exprimée par les Québécois4. L’argent existe, ce n’est qu’une question de volonté politique.

Voilà un investissement qui bénéficiera au portefeuille des ménages, au savoir-faire de nos constructeurs de matériel roulant, à l’environnement, à notre santé, à l’inclusion sociale et à la sécurité routière. Ce sont toutes les dimensions de notre bien-être individuel et collectif qui en ressortiraient renforcées.

Pensons aux générations futures. Nous devons leur léguer davantage de transport collectif, pas moins. Nous devons avoir de plus grandes ambitions, pas moins. Mettons-nous en mouvement dès maintenant.

1 Lisez le texte : « La STM met fin à ses lignes “10 minutes max” » 2 Consultez le rapport de l’Association du transport urbain du Québec 3 Consultez le rapport de Transit Québec 4 Consultez l’étude de cas sur la mobilité durable du CIRANO

* Cosignataires, membres du collectif G15+ : Karl Blackburn, président et chef de la direction, Conseil du patronat du Québec ; Denis Bolduc, secrétaire général, Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec ; Annie Chaloux, professeure, École de politique appliquée, Université de Sherbrooke (partenaire de recherche) ; Éric Cimon, directeur général, association des groupes de ressources techniques du Québec ; Leïla Copti, présidente, COPTICOM, Stratégies et Relations publiques ; François Delorme, économiste et chargé de cours en économie de l’environnement, École de gestion, Université de Sherbrooke (partenaire de recherche) ; Gabrielle Desbiens, présidente, Réseau des conseils régionaux de la culture du Québec ; Sylvain Gariépy, président, Ordre des urbanistes du Québec ; Sabaa Khan, directrice générale Québec/Atlantique, Fondation David Suzuki ; Denis Leclerc, président et chef de la direction, Écotech Québec ; Charles Milliard, président-directeur général, Fédération des chambres de commerce du Québec ; Natalie Pouliot, directrice générale, Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d’œuvre ; Colleen Thorpe, directrice générale, Équiterre ; Martin Vaillancourt, directeur général, Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion