Tout allait bien pour le président chinois Xi Jinping jusqu’en octobre 2022. Tel un empereur se croyant investi du mandat du ciel, Xi s’est permis de faire fi des règles et conventions et s’est octroyé un troisième quinquennat à la tête du pays.

Xi se présentait alors en plein contrôle, dominant l’appareil politique, resserrant les contrôles sur l’économie et la société, et imposant une politique zéro COVID parmi les plus draconiennes au monde. Celle-ci ordonnait des dépistages obligatoires fréquents, une surveillance omniprésente, des confinements à grande échelle, et parfois des quarantaines à l’écart des familles dans des lieux inhospitaliers.

La réalité a rattrapé le chef impérial brusquement, exposant au grand jour les limites ainsi que les failles de son exercice du pouvoir et de son régime autoritaire.

On avait pu constater depuis un moment la rigidité du système de gouvernance chinois, enfermé dans un carcan idéologique et alimenté par un culte de la personnalité que nous n’avions pas vu depuis la Révolution culturelle.

La politique zéro COVID s’étant avérée un succès relatif pendant un certain temps, celle-ci avait été érigée presque au rang de dogme, incarnée par la personne même du président Xi. Mais, depuis un bon moment, elle ne s’avérait plus pertinente face à l’évolution de la pandémie, notamment l’arrivée du variant Omicron, plus contagieux et moins dangereux. La Chine a poursuivi cette politique trop longtemps, avec un effet délétère sur l’économie et les conditions de vie des gens. La population chinoise, n’ayant pas le loisir de s’exprimer librement, a donc manifesté son mécontentement par le biais de manifestations spontanées dans plusieurs régions du pays, un premier affront à Xi.

Virage à 180 degrés

Qui plus est, sans avouer avoir fait fausse route, Xi et le Parti communiste ont dû reculer, perdant la face en effectuant un virage à 180 degrés. On est ainsi passé d’une approche où le gouvernement était excessivement contrôlant à une approche de laisser-faire où le gouvernement va jusqu’à affirmer que chacun est responsable de sa propre santé. En pratique, il n’y a presque plus de mesures pour limiter la propagation du virus.

Pour ajouter l’incompétence au portrait, à la différence de ce qu’ont fait de nombreux pays pour se préparer à vivre avec la COVID, le gouvernement chinois n’a pas planifié la transition à cette nouvelle approche. Ainsi, le taux de vaccination de la population âgée ou vulnérable n’est pas suffisamment élevé, les vaccins chinois n’étant d’ailleurs pas aussi efficaces que des vaccins à ARNm utilisés ailleurs dans le monde ; les tests de dépistage sont difficiles à obtenir et il y a pénurie de médicaments. Le nombre de cas explose, les hôpitaux sont débordés tout comme, tristement, les crématoriums. Et en cette veille du Nouvel An chinois, des centaines de millions de déplacements favoriseront la propagation du virus.

PHOTO HECTOR RETAMAL, AGENCE FRANCE-PRESSE

L’hôpital Tongren, à Shanghai, le 3 janvier dernier

La population chinoise est prise au dépourvu, presque laissée à elle-même face à la maladie. Sa confiance envers la capacité des autorités d’assurer sécurité et prospérité, socle actuel de la légitimité du Parti, est ébranlée. Ces mêmes autorités minent elles-mêmes leur propre crédibilité avec des statistiques farfelues quant au nombre de cas et de décès. L’image d’infaillibilité qu’aimait projeter le président Xi est entachée.

Certes, le président Xi et le Parti communiste ne sont pas près de perdre leur emprise sur le pouvoir. Mais le ciel au-dessus d’eux s’est assombri.

Puis, voilà qu’en raison du nombre de cas et surtout du manque de transparence des autorités chinoises, d’ailleurs dénoncé par l’Organisation mondiale de la santé, plusieurs pays comme le Canada ont imposé des tests de dépistage aux voyageurs en provenance de la Chine. Humiliation additionnelle pour Xi. La Chine s’offusque, dénonçant une « manœuvre politique » et menaçant de prendre des contre-mesures. Réaction incohérente, car la Chine avait jusqu’à récemment imposé des mesures beaucoup plus strictes à tout voyageur arrivant en Chine, notamment une quarantaine, et qu’elle maintient toujours l’exigence d’un test de dépistage pour tous les voyageurs en sa direction. Comme le régime chinois ne peut admettre ses torts et tolérer des critiques, aussi bien jouer la carte nationaliste et vilipender l’étranger.

On sait la Chine capable d’une diplomatie agressive. Mais dans ce cas-ci elle n’est pas en position de force. Quelles contre-mesures de nature sanitaire pourrait-elle prendre sans se pénaliser elle-même ? Refermer à nouveau ses frontières alors qu’elle vient de les rouvrir dans son propre intérêt ? Quant à des mesures de rétorsion économique, la Chine peut-elle se permettre de limiter ses échanges avec à la fois les États-Unis, l’Europe, le Japon et tant d’autres alors qu’elle tente de relancer sa propre économie ? Le FMI soulignait récemment que pour la première fois depuis 40 ans le taux de croissance de la Chine oscille possiblement sous la moyenne mondiale.

Le gouvernement chinois semble désemparé par une situation qui échappe à son contrôle et l’éloigne de ses prétentions et ambitions. Même l’appareil de propagande peine à identifier la ligne du parti. Il y a peu, le président Xi pavoisait, affirmant que le succès de son pays dans la lutte contre la COVID illustrait la supériorité du système chinois. Aujourd’hui, c’est tout le contraire qui se manifeste – au vu et au su de la population chinoise et de la communauté internationale.

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