La 15e Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15) s’est soldée en début de semaine par la conclusion d’un accord généralement bien accueilli. Malgré des lacunes évidentes, notamment sur les mécanismes de suivi, les 23 cibles adoptées constitueront un phare dans les prochaines années pour les processus de mise en œuvre de la protection de la biodiversité dans chacun des pays signataires.

Si nous pouvons espérer un réel vent de changement, le bilan des dernières COP, autant sur le plan du climat que de la diversité biologique, alimente les braises du cynisme. Alors qu’aucune cible n’a été atteinte au niveau national et international depuis 1992, pourquoi avoir confiance en cette nouvelle mouture d’un accord international non contraignant ?

Certes, des stratégies et mesures substantielles seront nécessaires au Québec à moyen terme pour atteindre ces cibles, comme une stratégie nationale sur la biodiversité, mais afin de conserver le mouvement qui s’est créé durant la COP15, des mesures concrètes et rapides sont nécessaires. Alors que nous sommes à un moment crucial pour notre avenir commun, le cynisme légitime entourant les grandes ententes internationales doit cesser.

Pour ce faire, il est donc essentiel qu’à l’échelle québécoise, le gouvernement Legault se mobilise rapidement. Dans cet esprit de « battre le fer pendant qu’il est chaud », voici cinq propositions pouvant être adoptées dans les prochains mois, qui constitueraient des actions structurantes et audacieuses, allant au-delà des engagements financiers et ayant le potentiel de donner confiance dans les velléités vertes du gouvernement.

1. Financer les solutions nature

Le prochain plan de mise en œuvre du Plan pour une économie verte du gouvernement du Québec, financé à hauteur de plus de 7 milliards de dollars, doit intégrer de façon beaucoup plus substantielle la séquestration du carbone et l’adaptation aux changements climatiques par les écosystèmes. Ces « solutions nature » ont le potentiel de répondre à la fois aux enjeux de la crise climatique et du déclin de la biodiversité. Avec l’adoption il y a quelques jours d’un règlement permettant d’intégrer le carbone forestier à la Bourse du carbone Québec-Californie, la dernière barrière est levée pour enfin financer massivement des projets de protection et de restauration d’écosystèmes dans les secteurs de l’agriculture, de la foresterie et du verdissement urbain.

2. Le « 30 par 30 » à toutes les échelles

Le rôle essentiel des villes et gouvernements infranationaux a été largement mis de l’avant durant la COP15. Dans cette perspective, l’adoption de plans de protection de 30 % des écosystèmes d’ici 2030 à toutes les échelles de gouvernance – municipalités, MRC et régions – soutenues par Québec, et qui suivraient la logique de l’élaboration des Plans régionaux des milieux humides et hydriques, serait un engagement concret, à l’échelle locale et régionale, à atteindre les cibles fixées.

3. Révision de la loi sur l’expropriation

Actuellement, plusieurs municipalités souhaitent agir en faveur de la protection des milieux naturels, mais elles font face à de nombreux obstacles et manquent d’outils pour y arriver. La révision de la Loi sur l’expropriation, plus particulièrement afin que l’indemnité soit calculée sur la base de la juste valeur marchande au moment de l’acquisition de milieux naturels par expropriation, constituerait une avancée significative permettant aux municipalités d’agir concrètement vers l’atteinte du « 30 par 30 ».

4. Des aires protégées plus flexibles

La mise en œuvre des autres mesures de conservation efficaces (AMCE), une appellation qui désigne les espaces situés en dehors des réseaux d’aires protégées, et qui peuvent être comptabilisées dans l’atteinte des cibles internationales d’aires protégées est aussi cruciale. On peut penser à certains parcs municipaux, régionaux ou à des territoires où vivent des peuples autochtones. Ces mesures permettraient non seulement de valoriser le rôle d’autres acteurs de la conservation, mais aussi d’agir plus rapidement, et de diversifier les modes de gouvernance. À titre d’exemple, ce sont 2 % de zones protégées en milieux urbains qui pourraient être ajoutées au registre québécois au moyen de la reconnaissance de la réglementation municipale.

5. La protection du caribou

Selon l’entente de principe conclue entre Québec et Ottawa, le gouvernement provincial s’est engagé à publier sa stratégie finale au plus tard à la fin juin 2023. Afin d’assurer une transition juste, le gouvernement devrait mettre en place des programmes de compensation financière et de réorientation des emplois en foresterie, afin de permettre aux collectivités de transiter vers une économie plus diversifiée, et favorisant la protection de la biodiversité, dont l’habitat naturel du caribou. À l’instar de la Colombie-Britannique, où une entente a été conclue pour le caribou, Québec pourrait bénéficier d’un appui d’Ottawa se chiffrant entre 500 millions et 1 milliard de dollars. Retirer cette épine dans le pied de la relation Ottawa-Québec permettrait un renouvellement de l’entente fédérale-provinciale en matière de conservation.

Au-delà de la bonne volonté démontrée par Québec lors de la COP15, des actions concrètes et vigoureuses sont nécessaires à court terme afin de reconstruire, à notre échelle, la relation entre l’humain et la nature. Souhaitons-nous de voir ce leadership vert s’exprimer dans les meilleurs délais.

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