Dans son discours d’ouverture de session à l’Assemblée nationale, le 30 novembre, le premier ministre François Legault a rappelé, à raison, que la transition énergétique repose en bonne partie sur une utilisation accrue de notre électricité. De manière imagée, il a évoqué la nécessité de bâtir un demi-Hydro-Québec pour que le Québec atteigne la carboneutralité.

En parallèle, en entrevue avec des médias, son ministre responsable de l’énergie, Pierre Fitzgibbon, a parlé d’une consommation plus sobre, notamment en période de pointe hivernale.

Manifestement, la situation a changé sur le front énergétique au Québec. Le premier ministre l’a mentionné lui-même : il faut en débattre publiquement. Quoi de mieux qu’une consultation publique à ce sujet ?

Beaucoup de choses se sont passées depuis quelques années sur la scène énergétique : les rapports des experts du climat se font plus pressants pour décarboner rapidement nos économies ; le coût des énergies éolienne et solaire, des batteries, a chuté considérablement ; et les États se soucient bien davantage de leur sécurité énergétique.

Ces changements nous affectent directement : le Québec est, depuis quelques années, un lieu des plus prisés par les entreprises, car, en plus de son bas prix, de sa fiabilité, notre électricité est décarbonée : c’est une exception dans le monde actuel.

Cet atout, cette électricité à la fois fiable et décarbonée, deviendra, selon moi, un facteur de plus en plus important de l’influence politique et économique des États dans les prochaines années.

À preuve, plusieurs entreprises souhaitent consolider leur présence ou s’établir ici : plus de 20 000 mégawatts de projets industriels ont ainsi été déposés cette année auprès d’Hydro-Québec.

Or, le Québec a aussi besoin de son électricité pour décarboner son économie, soit remplacer par de l’électricité ce qui est présentement alimenté par du pétrole et du gaz : cela limite son offre en approvisionnement, autrefois abondante, un enjeu plus préoccupant avec la fin du contrat de Churchill Falls dans moins de 20 ans.

Notre électricité est donc devenue plus précieuse, à consommer avec discernement.

Dans ce contexte, il faut débattre de son utilisation pour notre meilleur intérêt, et celui des générations futures.

Questions de fond

Des questions de fond pourraient être abordées lors d’une telle consultation : dans un contexte de sobriété, est-il encore souhaitable que les clients résidentiels paient un tarif moindre grâce à des prix plus élevés auprès des clients commerciaux et industriels ?

Des changements législatifs sont-ils nécessaires, par exemple, pour donner à Hydro-Québec plus de latitude dans la sélection des projets qui lui sont soumis ?

Quel rôle pouvons-nous jouer dans la décarbonation des réseaux voisins, au Canada et aux États-Unis ?

Comment l’industrie québécoise de l’électricité, réputée pour sa grande expertise, peut-elle tirer son épingle du jeu dans cet effort accéléré de décarbonation et d’efficacité énergétique ? Comment s’assurer que la transition énergétique soit bénéfique pour les régions ?

Pour les travailleurs qui seront affectés par cette transition, quelle aide pouvons-nous leur donner ?

Quelles habitudes liées à notre style de vie, à l’aménagement du territoire, devrions-nous revoir pour consommer l’électricité de manière plus efficace ?

Comment favoriser, dans des délais raisonnables, l’acceptabilité sociale pour les projets hydroélectriques, les éoliennes, les lignes électriques, sur notre territoire ?

La transition énergétique va nécessiter une hausse importante de la consommation de minéraux, notamment pour les batteries. Le Québec est-il prêt à participer à cet effort, avec des mines en plus grand nombre dans différentes régions ?

Tous ces enjeux doivent être débattus de manière raisonnable. Ils méritent une réflexion, bien encadrée, plus large que de simples interventions de nos élus et des groupes d’intérêt dans les médias.

Oui, il est temps d’envisager en 2023 la mise en place d’un processus de consultation sur l’utilisation de notre électricité en faveur d’un Québec décarboné : c’est un projet de société, une « opportunité emballante » selon les mots du premier ministre, qui mérite d’être plus amplement discutée.

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