Cela fait 18 ans que le caribou forestier est désigné comme espèce vulnérable. Cela fait 18 ans que sa population continue de chuter. Entre-temps, il y eut la loi sur le développement durable, deux plans de rétablissement du caribou forestier et un rapport de la commission sur le caribou. Comment expliquer, malgré tout, que l’économie reste le seul enjeu protégé ? Oserais-je évoquer les termes d’aménagement écosystémique officiellement adopté en 2005 ?

Ma réflexion portera sur notre vision du territoire et de l’aménagement forestier en prenant comme exemple le dossier caribou. Étant un grand mammifère et une espèce parapluie, le caribou est un excellent indicateur de la santé des écosystèmes et est devenu le triste symbole de nos échecs. Il est important de préciser que ma démarche cherche à trouver des solutions et non pas à détruire le secteur forestier, car je crois en sa réussite.

Les causes du déclin du caribou ainsi que les solutions pour y remédier ont été largement étudiées et je ne reviendrais pas là-dessus, car ce n’est pas le but de mes propos.

À la vue de la situation précaire du caribou, il me semble nécessaire de rappeler ce qu’est l’aménagement écosystémique. L’objectif de ce concept est d’assurer la pérennité et l’intégrité des écosystèmes tout en répondant aux besoins sociétaux et économiques présents sans compromettre ceux du futur.

En quoi avons-nous échoué ? Nous pouvons constater une gestion qui répond aux besoins économiques. Mais qu’en est-il des deux autres aspects ?

La première erreur est de résumer les besoins sociétaux aux emplois et à l’approvisionnement en bois. Cela relève aujourd’hui d’une conception archaïque qui ne correspond plus au monde contemporain. La commission sur le caribou fut une démonstration sans précédent de la sensibilité et de l’attachement des citoyens et des Premières Nations au caribou et à son territoire. De cette commission ressort donc que les besoins sociétaux actuels sont certes l’approvisionnement en bois, mais aussi la préservation des espèces et du territoire.

La seconde erreur serait de négliger l’importance primordiale du maintien de l’intégrité des écosystèmes. Notre mode de vie dépend directement de la santé de ces derniers et il serait regrettable de les déstabiliser. Or, c’est ce que l’on fait aujourd’hui en connaissance de cause. Comment générer de la richesse si le territoire n’est plus en mesure d’en fournir ? Comment assurer notre pérennité si, jour après jour, nous faisons disparaître le vivant ?

Les solutions abondent, mais l’inaction fait ressortir la vétusté de notre mode de pensée. La vision bipolaire de l’aménagement du territoire qui oppose l’économie à l’environnement ne fonctionne pas, car elle amène inévitablement à privilégier un des deux points en supprimant l’autre.

Le dossier du caribou est la partie émergée de l’iceberg. Si l’on ne change pas de cap, alors nous ferons naufrage.

Adoptons plutôt une vision holistique de l’aménagement qui considère l’espèce humaine comme appartenant aux écosystèmes. Ce faisant, la réponse aux besoins humains dépendra directement de la santé des écosystèmes. Cela revient à mettre en place un échange où notre rôle sera de s’assurer de la pérennité des écosystèmes. C’est ici qu’intervient l’aménagement écosystémique qui vise à imiter les perturbations naturelles justement dans le but de mieux intégrer l’homme à ces dynamiques complexes.

J’aimerais ajouter, pour clore cette réflexion, que nous devrions nous inspirer largement de la vision des Premières Nations qui considèrent l’espèce humaine comme partie intégrante du territoire. Nous pourrons alors profiter des innombrables bénéfices socio-économiques qui en découlent.

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