Lors des dernières élections législatives en Italie, c’est la coalition de droite composée des partis Fratelli d’Italia (Giorgia Meloni), La Ligue (Matteo Salvini) et Forza Italia (Silvio Berlusconi) qui a été portée au pouvoir. À la suite de ce résultat électoral imposant Fratelli d’Italia comme force majoritaire à l’intérieur de la coalition, Giorgia Meloni a été nommée présidente du Conseil des ministres, première femme à se hisser à ce poste dans l’histoire de I’Italie républicaine. Quel sera l’impact de l’arrivée de cette coalition au pouvoir sur la politique étrangère de l’Italie ? Sur son rapport à l’Europe, à la Russie, à la guerre en Ukraine et aux États-Unis ?

Entre atlantisme et européisme

L’atlantisme et l’européisme sont les deux piliers de la politique étrangère italienne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En ce qui concerne le premier pilier, qui consiste à entretenir des relations étroites avec les États-Unis, les positions de la coalition sont nettes et sans ambiguïté. La récente rencontre entre Giorgia Meloni et le président américain, Joe Biden, a d’ailleurs été l’occasion de célébrer les liens historiques entre Rome et Washington.

Sur l’Europe, la position du gouvernement est plus nuancée. Dans le passé, la droite italienne était notamment opposée aux politiques d’austérité de la Commission européenne. Et en 2014, le parti de Meloni s’opposait radicalement aux institutions européennes, en prêchant la « dissolution concertée de la zone euro ». Ce qui explique entre autres la grande inquiétude rapportée par les médias internationaux sur les politiques économiques à venir du gouvernement.

Or, la situation a grandement changé au cours des dernières années. Si la vague anti-européiste était à son apogée lors des élections européennes de 2014, les institutions européennes ont su regagner la confiance des citoyens lors des élections suivantes, en 2019. Le parti Fratelli D’Italia a dès lors modifié son approche vis-à-vis de l’Europe, et son virage a été récemment complété en raison de deux facteurs incontournables : la crise de la COVID-19 et la guerre en Ukraine.

La pandémie a entraîné un changement d’attitude général au sein de l’Union européenne (UE), y compris en Italie, qui a profité du Plan national de relance et résilience (PNRR). Le PNRR fait partie d’un plan global de 750 milliards d’euros de l’UE pour aider les pays membres frappés par la pandémie. L’Italie en recevra 235 milliards, dont 70 sous forme de don.

La guerre en Ukraine a quant à elle ancré encore davantage les positions de Fratelli d’Italia dans le bloc occidental et l’UE.

Le programme du parti ne contient donc aucune référence négative sur l’Europe. Au contraire, on y réfère au PNRR comme d’une grande opportunité pour moderniser les infrastructures vieillissantes de l’Italie. Le parti réclame aussi une mise à jour ciblée du PNRR à la lumière de la crise déclenchée par le conflit en Ukraine et de la hausse des prix des matières premières, et davantage de ressources en matière de sécurité énergétique afin de libérer l’Italie et l’Europe de leur dépendance à l’égard du gaz russe.

Ambiguïtés sur l’Europe

Des ambiguïtés demeurent toutefois sur la politique étrangère de l’Italie. Bien qu’elle se déclare européiste, Giorgia Meloni ne lésine pas sur les critiques à l’égard de l’UE. Il faut souligner que dans le parlement européen, Fratelli d’Italia se rattache au groupe des conservateurs et des réformistes européens (CRE), qui portent historiquement un regard critique sur les institutions européennes.

Par ailleurs, lors d’un récent rassemblement du parti espagnol de droite radicale Vox, Meloni a plaidé pour « une Europe plus courageuse […] afin de répondre aux grandes crises internationales, et un peu plus humble lorsqu’il s’agit d’aspects de la vie quotidienne qui pourraient mieux se résoudre au niveau national, sans ajouter de la bureaucratie à la bureaucratie ». Meloni et Salvini sont aussi favorables à un rapprochement avec le président hongrois, Victor Orban.

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Accompagnée de Silvio Berlusconi et de Matteo Salvini, la première ministre italienne, Giorgia Meloni, s’adresse aux journalistes, à Rome, le 21 octobre.

Les alliés de Mme Meloni au sein du gouvernement, Matteo Salvini et Silvio Berlusconi, sont aussi ambigus sur certains dossiers de politique étrangère.

La Ligue, en Europe, fait partie du groupe Identité et démocratie (ID), dont les membres sont bien plus à droite que le CRE et campés sur des positions eurosceptiques. Les relations antérieures entre la Ligue et la Russie sont l’une des causes de préoccupation.

De son côté, Berlusconi, même s’il est un européiste convaincu, a récemment pris des positions qui peuvent s’avérer préoccupantes au sujet de la guerre en Ukraine, en imputant notamment la responsabilité de la guerre au gouvernement ukrainien après avoir renoué personnellement avec Vladimir Poutine.

L’autre dossier qui pourrait causer des tensions avec l’UE est celui de l’accueil et de la répartition entre les États européens des migrants « irréguliers », comme l’a illustré la récente crise diplomatique entre la France et l’Italie.

En somme, sans brouiller les lignes directrices de la politique étrangère de l’Italie, ou remettre en cause sa vocation atlantiste, les relations avec l’UE pourraient s’avérer plus turbulentes en raison des postures des trois partis de la coalition sur certains dossiers politiques et économiques.

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