Mardi 8 novembre, lors des élections de mi-mandat aux États-Unis, les Américains voteront sur des questions référendaires, choisiront des législateurs et gouverneurs d’État et décideront quel parti sera majoritaire dans les deux chambres du Congrès américain.

Ces élections de mi-mandat donneront également des réponses à une question d’une rare gravité : la démocratie américaine se remet-elle des chocs des dernières années ou poursuit-elle sa lente agonie ? Notre récent séjour d’observation électorale en Pennsylvanie, en Ohio, au Michigan et au Wisconsin n’a pas été rassurant.

Non, je ne regrette rien

Parmi les républicains que nous avons rencontrés (directeurs et organisateurs de campagne, bénévoles, électeurs et candidats), peu semblaient regretter la prise d’assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump le 6 janvier 2021. Beaucoup restaient convaincus qu’il y avait eu fraude électorale majeure en 2020 — même si cela n’a jamais été prouvé.

La commission d’enquête de la Chambre des représentants sur l’attaque du 6 janvier a pourtant montré que Trump et ses partisans étaient prêts à sacrifier la démocratie américaine au bénéfice du milliardaire, mais les sondages continuent de prédire qu’une majorité de républicains sont à l’aise de soutenir des candidats niant les résultats de 2020 (election deniers).

Ils auront l’embarras du choix mardi : selon le site FiveThirtyEight, 60 % des Américains pourront voter pour ce genre de candidats visant des sièges au Congrès des États-Unis ou encore des postes névralgiques dans les États américains (gouverneurs, secrétaires d’État et procureurs généraux).

Ces candidats voient deux avantages à contester les résultats de 2020 : recevoir l’appui de Trump, qui reste favori pour gagner l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2024, et s’appuyer, au besoin, sur le mythe du vol électoral de 2020 pour justifier à leur tour toutes sortes de contestations.

PHOTO DUSTIN CHAMBERS, REUTERS

Herschel Walker

Reprenant la recette de Trump, des candidats comme Herschel Walker (Géorgie), Mehmet Oz (Pennsylvanie), Adam Laxalt (Nevada) et Blake Masters (Arizona) pourraient en effet refuser de concéder la victoire si les résultats sont serrés dans cette poignée d’États qui déterminera la prochaine majorité au Sénat des États-Unis.

Enfoncer le clou

Tout comme l’insurrection du 6 janvier 2021, la récente attaque au marteau contre Paul Pelosi par un election denier cherchant à prendre la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, en otage pour la torturer ne suffit donc pas à convaincre les piliers républicains du danger des mensonges qu’ils répètent sur les fraudes électorales.

Pas plus qu’un récent rapport du département de la Sécurité intérieure et du FBI, qui conclut que les perceptions de fraude électorale entraînent des menaces de violence accrues non seulement envers les élus, mais aussi à l’encontre de cibles comme le personnel électoral au moment des scrutins. Lors de notre séjour de recherche, il n’était donc pas étonnant d’entendre des directeurs et conseillers de campagne démocrates dire qu’ils ont plus de mal à trouver des bénévoles cette année, ou plus peur qu’avant pour leur sécurité et celle des candidats.

Mais ces mêmes démocrates portent également une part de responsabilité dans les maux qui frappent la démocratie américaine.

D’une part, en décidant d’investir des dizaines de millions de dollars lors des élections primaires pour promouvoir les candidatures républicaines d’election deniers qu’ils estimaient plus faciles à battre le 8 novembre, les démocrates auront peut-être contribué à l’arrivée au pouvoir de ceux qu’ils décrivent comme une menace pour le pays.

D’autre part, alors que la campagne de Joe Biden en 2020 promettait plus d’empathie et de collaboration entre les deux partis, la plupart des élus démocrates ne font pas plus d’effort que les républicains pour favoriser les compromis politiques à Washington et dans les États américains. Assistant à un rassemblement politique dans le Wisconsin, nous avons ainsi pu entendre la sénatrice démocrate Tammy Baldwin dire que l’enjeu de la course au poste de gouverneur de l’État se résume à une chose : réélire son collègue Tony Evers pour qu’il mette son veto à tout projet proposé par la législature républicaine.

Dans un pays aux prises avec de graves problèmes d’inflation, de sécurité publique, d’emploi, d’inégalités, de pollution et d’accès aux soins de santé, cette incapacité des deux partis à faire les concessions nécessaires pour adopter les lois et budgets dont les Américains ont besoin n’est pas seulement responsable de la colère et du cynisme de ceux-ci envers leurs institutions. Elle est aussi devenue une cause majeure du déclin des États-Unis par rapport à leurs principaux compétiteurs internationaux.

Lors de nos rencontres sur le terrain, les démocrates et les républicains s’entendaient d’ailleurs sur ce point : le pays traverse actuellement l’une des périodes les plus sombres de son histoire. Il reste à voir si ce constat et les élections de mardi favoriseront le réveil auquel on aurait dû s’attendre en voyant l’état de la démocratie américaine le 6 janvier 2021.

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