C’est le 11 mars 2022, la veille de mes 22 ans, 22 h 50. J’ouvre frénétiquement le premier courriel reçu d’une de mes demandes d’admission aux études supérieures : refus. Sept autres lettres de refus seront reçues dans les semaines suivantes.

J’ai passé trois ans à me débattre pour maintenir une haute moyenne, à me lever tôt pour aller travailler bénévolement dans un laboratoire, à multiplier les emplois pour multiplier mes heures en intervention, à faire de longues heures comme bénévole en prévention du suicide. Tout ça pour quoi ? Me faire refuser sur toute la ligne. C’est difficile d’expliquer à quel point c’est décourageant de se faire rejeter ainsi après avoir tout donné. J’ai eu l’impression de jouer à un jeu truqué d’avance, où mes chances de gagner étaient presque nulles dès le départ.

Pendant ce temps, j’entends partout : « Besoin criant de psychologues au Québec ! » On ne manque pas de gens voulant devenir psychologues au Québec. En trois ans, j’en ai côtoyé plein. Des étudiants brillants, motivés, dévoués, qui avaient et ont toujours le même rêve que moi... On frappe un mur immense en sortant du baccalauréat qui, ironiquement, a hautement nui à la santé mentale de plusieurs d’entre nous tellement la compétition était intense.

On se fait promettre pendant trois ans des carrières incroyables qui nous font rêver, pour se faire dire ensuite de considérer un plan B. « Au fond, la psychoéducation et la criminologie, ça ressemble un peu à ce que tu aimes, non ? »

Pendant ce temps-là, je vois une société où le temps d’attente minimal pour un psychologue est de six mois au public. Je vois des taux de suicide élevés, des hôpitaux et des CLSC débordés par le nombre de cas en santé mentale.

Ça me fâche, ça me dépasse, parce que je suis impuissante face à un système construit contre moi, malgré mon souhait d’aider.

Je vois aussi un premier ministre qui imagine qu’en trois ans d’université on aura un beau psychologue tout neuf. M. Legault, multipliez ce chiffre par trois et vous aurez un psychologue. Et ça, c’est s’il réussit à passer à travers l’entonnoir d’admission au cycle supérieur en psychologie.

Je n’ai pas fait mon baccalauréat en psychologie dans le but d’obtenir une belle culture. Je n’ai jamais entendu un étudiant en génie ou en enseignement se faire dire que son baccalauréat pourrait lui donner une belle culture. On adore notre culture, mais on veut des emplois, des carrières, des occasions de se développer comme personnes et de changer la société dans laquelle on évolue.

Un jour, je serai psychologue, mais ce n’est pas demain la veille.

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