D’autres ont déjà minutieusement épilogué sur la remarquable victoire de la CAQ le 3 octobre dernier. Pour certains, l’explication passait par des éléments de politique identitaire — pour d’autres, l’absence d’autres options. Les résultats électoraux ont certainement donné de l’oxygène à ceux qui y ont vu les empreintes des lois 21 et 96. « L’île de Montréal isolée », titraient les uns, « Les Québécois francophones craignent pour leur langue », écrivaient les autres.

Pourtant, à peu près tous les sondages publiés avant l’adoption de ces lois confirmaient que M. Legault devançait aisément ses adversaires. Même sans ces initiatives législatives « polarisantes », le gouvernement Legault filait probablement vers une victoire sans appel.

La question de l’urne est rarement « Les autobus passent-ils à l’heure ? », mais l’intendance pèse dans l’isoloir. Un gouvernement est élu pour gérer un État, rendre des services. Et à l’occasion survient un phénomène, comme celui de la COVID-19, qui lui permettra de se démarquer. Comme l’avait fait avant lui Lucien Bouchard durant la tempête du verglas, M. Legault a su utiliser un ton rassurant, mais rarement jovialiste. Sa gestion de la crise, bien que parfois imparfaite, l’a rapproché des Québécois. Invités à briller pour rassurer les leurs, plusieurs politiciens d’expérience — comme Boris Johnson et Jason Kenney — ont plutôt échoué.

Au pire de la crise, tous les gouvernements s’abreuvaient d’informations sur la COVID-19 et sa propagation. Ils cherchaient des repères partout sur la planète. C’est pourquoi la réaction démesurée à l’égard du contrat accordé à McKinsey au début de la pandémie par le gouvernement Legault pouvait étonner. McKinsey avait été retenue pour offrir des services-conseils, notamment pour l’obtention d’équipements de protection pour les travailleurs de la santé que tous les pays du monde s’arrachaient.

Les employés de l’État jouent un rôle important pour garantir que les missions d’un gouvernement soient accomplies. Qu’ils doivent s’adjoindre à l’occasion de compétences pointues du secteur privé dans le cadre de l’élaboration de certains programmes ne surprendra personne.

Et n’en déplaise à tous ceux qui regrettent que l’on confie ces mandats à des sociétés internationales comme McKinsey — l’expertise au moment précis où elle était nécessaire ne se trouvait ni à Montréal ni à Mont-Laurier.

Si au Québec les contribuables viennent d’accorder une bonne note de passage au gouvernement Legault pour sa gestion des affaires courantes, la scène ne se répéterait pas à Ottawa. L’incurie du gouvernement fédéral dans la manutention de passeports l’été dernier a choqué beaucoup de Canadiens. Le gouvernement Trudeau savait qu’après deux ans de sédentarité, les Canadiens souhaiteraient se déplacer. Possédant déjà toute l’information sur les échéances des passeports, comment n’a-t-il pas vu venir le train ?

Beaucoup de Canadiens ne connaissent pas la date d’échéance de leur passeport — pourquoi n’est-elle pas rattachée à la date de naissance du détenteur (comme c’est le cas du permis de conduire) ? Pourquoi le gouvernement ne transmet-il pas un courriel de rappel à tous les Canadiens un an avant l’échéance de leur passeport ? Et même dans le traitement des renseignements, pourquoi le fédéral donne-t-il toujours l’impression de reconduire une enquête digne d’Interpol sur chacun ? Les deux ordres de gouvernement possèdent déjà beaucoup d’information sur les Canadiens et devraient collaborer pour simplifier le processus.

Ottawa avait pourtant fait preuve d'initiative avec l’application ArriveCan, une très bonne idée gaspillée à l’autel de l’obsession sanitaire du gouvernement Trudeau. Bien avant l’arrivée de la pandémie, les passages aux frontières aéroportuaires canadiennes avaient pris l’allure d’un chemin de croix.

Certains veinards, détenant des cartes Nexus, évitaient la cohue alors que leurs collègues moins diligents arrivaient à la maison deux heures plus tard. Je suis étonné qu’encore aujourd’hui tous les passagers transfrontaliers (canadiens ou étrangers) doivent encore rencontrer un agent à l’aéroport. Dans plusieurs aéroports internationaux, dont Heathrow à Londres, les Canadiens passent par des comptoirs automatisés. Des agents postés après les comptoirs procèdent à des contrôles aléatoires.

Au Canada, nos agents cherchent les importateurs de drogue (une infime minorité) et ceux dont les achats excèdent les limites autorisées (il y en a plus…). Ces derniers ne sont toutefois pas des criminels endurcis — ils ne veulent simplement pas attendre une heure de plus pour payer 80 $ de droits sur un chemisier acheté à Fort Lauderdale. Mais, demandez-leur s’ils déclareraient tous leurs achats sur une application où ils pourraient payer les droits d’avance et avoir accès à un corridor rapide pour éviter des délais à l’aéroport. Pour cette seule raison, ArriveCan méritait de survivre. Maintenant qu’on sait qu’Ottawa a dépensé une fortune pour son développement, sa mise au rancart me renverse.

Les contribuables n’élisent pas des gouvernements pour les entendre sur les ondes décliner tous leurs bons coups. Ils veulent des services. Adaptés à l’ère moderne. À des heures flexibles. Et à l’occasion, les solutions se trouvent juste devant — et même sans recourir à McKinsey !

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