Depuis quelques années, nous avons tous constaté l’apparition d’une nouvelle gauche dite woke, d’abord principalement active sur les campus universitaires, et dont les idées ont peu à peu germé dans les médias, le journalisme, le monde des affaires et dans certaines institutions.

Ce nouveau courant de pensée a en quelque sorte scindé la gauche traditionnelle qui, aujourd’hui, à l’instar d’une opposition morcelée, se retrouve disloquée et inefficace dans ses combats. En tant que progressiste, je crois qu’un ralliement s’impose.

Pour moi, être progressiste a toujours été porter fièrement l’universalisme, le rationalisme et l’humanisme au rang suprême de nos valeurs collectives. Ce sont ces principes hérités des Lumières qui ont permis à nos sociétés d’atteindre le niveau de vie que l’on connaît aujourd’hui, en plaçant le genre humain et sa diversité au centre de son action. C’est ici que le schisme entre progressistes et wokes est apparu.

Ce mouvement a cessé de promouvoir la diversité universelle pour se rabattre sur le différentialisme en segmentant la population en différents groupes en fonction du niveau historique d’oppression subi.

Être progressiste signifie être extraordinairement sensible aux souffrances des opprimés, mais le chemin vers la justice sociale ne passe assurément pas par la résurgence de politiques identitaires et du communautarisme. Au contraire, le progrès repose sur l’union des citoyens, pas sur l’exacerbation de leurs différences. C’est pourtant le chemin que la gauche woke a décidé d’emprunter. À travers les nouveaux programmes Diversité, inclusion et équité qui se multiplient partout, on assiste, au nom de l’inclusion, à une catégorisation extrême des individus. Certains de ces programmes vont même jusqu’à octroyer du financement en fonction de l’attirance sexuelle des postulants. Voltaire doit s’être retourné dans sa tombe.

Objectif commun

Pourtant, les gauches woke et progressiste partagent essentiellement le même objectif fondamental : bâtir une société dans laquelle tous les individus peuvent aspirer à n’importe quelle fonction et vivre leur vie sans que leurs caractéristiques personnelles comme leur sexe, leur genre ou leur race aient le moindre impact sur leur destin. Bref, un monde exempt de racisme et de discrimination. Une des nombreuses façons d’échouer dans cette quête est de considérer toute forme de disparité statistique entre un groupe et la population en générale comme étant l’effet de discriminations, alors que ce sont plutôt de nombreux facteurs socioéconomiques qui expliquent bien souvent ces disparités. Je souligne ici que je ne suis pas contre l’idée d’atténuer ces disparités, mais pour appliquer le bon traitement, encore faut-il avoir fait le bon diagnostic.

J’ajouterais que la gauche woke participe à l’érosion de la qualité du débat démocratique en taxant d’islamophobe le critique de l’Islam, de raciste celui qui pointe certains effets négatifs de l’immigration et de transphobe celui qui différencie biologiquement les sexes.

Je comprends le désir des militants pour plus de justice, mais il y a une différence entre tenter de corriger la situation et la surcorriger à coups d’excès, de censure et de chasse aux sorcières.

C’est dans ce contexte que, bien humblement, je constate une confusion morale qui sévit au sein de la gauche progressiste. Elle se sent dépossédée et ne sait plus comment faire primer ses valeurs. De vrais militants progressistes bien connus marchent sur des œufs de crainte d’offenser l’autre gauche, criarde et revancharde. Il est plus que temps de réaffirmer de quelle façon nous voulons articuler le progressisme québécois. Et pour cela, j’invite tous les progressistes à reprendre la parole et à ne pas avoir peur de critiquer la gauche woke lorsque cela s’impose. Car faisons preuve de lucidité : pendant ce temps, la droite s’organise et sera prête, elle, à mener les prochains combats.

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