La campagne électorale est chose du passé, au grand soulagement de plusieurs qui n’en pouvaient plus des bulletins de nouvelles remplis de promesses, de déclarations tonitruantes, de fact-checking soupçonneux, mais nécessaire, de gaffes du jour traquées dès l’aurore.

Les bus des chefs sont rangés. Un gouvernement caquiste tellement majoritaire vient d’être élu pour les quatre prochaines années que ce mandat s’écoulera comme un long fleuve tranquille…

Erreur.

Nous sommes le 4 octobre, le gouvernement n’est même pas assermenté et les prochaines élections commencent à se jouer dès maintenant. La scène politique des prochains mois, années, sera tout sauf une promenade bucolique. Les élections de 2026 se préparent en accéléré !

François Legault sera-t-il encore là dans quatre ans ? Il a mené une campagne bougonne, brouillonne, dissonante pour un vainqueur présumé. S’il aimait sa job, il ne l’a pas dit à sa face. Il avait l’air de celui qui à la mi-mandat pourrait annoncer son retrait de la vie politique. On sent déjà que certain.e.s piaffent pour le challenger à la tête du parti. Le PM vieillit vite et mal.

Malgré son étincelante majorité, mais un taux de vote pour la CAQ de 41 % (au moment d’écrire ces lignes), c’est aujourd’hui, au sein du parti, le début d’un lancinant petit refrain marmonné : « mais quand partira-t-il ? »

QS s’enlignait pour être l’opposition officielle. C’est donc le PLQ qui tiendra ce rôle, même si QS et le PQ ont cumulé, en pourcentage, un score plus élevé. Et que le PCQ, qui n’a fait élire personne, n’est pas très loin derrière. QS n’est donc qu’UNE des trois oppositions. Le PQ incarne à nouveau le nationalisme, le PLQ marche sur les plates-bandes des progressistes. L’élan de QS est stoppé pour le moment. Le talentueux GND est toutefois là pour rester, mais devra revoir la stratégie, être plus décisionnel, ce qui sera ardu vu les structures de son parti.

Le PQ n’est pas mort, faisons amende honorable. PSPP pourrait, par sa modernité, son approche, son calme, son sens de la pédagogie, marquer la politique québécoise, au-delà de son parti. Il tranche avec les autres chefs, et devrait favoriser les élans transpartisans. Il est en politique pour y rester, et la marquer, quoi qu’il advienne à moyen terme du PQ.

Dominique Anglade sera la cheffe d’une opposition officielle profondément locale. Cette femme brillante devra réussir une refondation profonde de son parti, écartelé entre deux générations et encore tributaire d’un lourd passé. Mais restera-t-elle ?

La voix colérique des électeurs d’Éric Duhaime ne sera pas canalisée dans l’élection de leur chef à l’Assemblée nationale. Forts de leurs 13 % de voix, les partisans du PCQ se feront entendre dehors, à Radio X, dans des manifestations, sur des réseaux sociaux encore plus toxiques. L’insatisfaction viscérale et radicale a de beaux jours devant elle, sous la houlette de Duhaime, qui restera, déterminé.

Avec l’élection de lundi, et peut-être même avec une hypothétique réforme du mode de scrutin, aucun des cinq partis, pas même l’omnipotente CAQ, ne représente à lui seul toute la complexité du Québec. Tous — la CAQ, partout sauf à Montréal, le PLQ dans l’ouest de l’île, le PCQ à Québec et en Beauce, QS dans la métropole, le PQ dans les cœurs et peu sur la carte – misent sur des disparités régionales, des caractéristiques électorales locales. Ce ne sera pas très sain. Ça accélère les clivages entre Montréal et les régions, attise l’incompréhension mutuelle et accentue les fractures entre nous.

Plusieurs évoqueront donc la « nécessaire » réforme du mode de scrutin. La pression sera forte sur la CAQ pour à tout le moins intégrer une part de proportionnelle à notre système uninominal à un tour l’ossature du système actuel était bâtie pour le bipartisme. Il faudra se rappeler que TOUS les partis de pouvoir ont toujours reculé. Avec sa majorité, la CAQ sera sourde. Mais cinq partis actifs et variés, dont un condamné à des miettes et l’autre absent à l’Assemblée nationale malgré des pourcentages de voix significatifs, ça entraîne beaucoup de cynisme et de démission démocratique dans la population.

Nous sommes le 4 octobre 2022. Pour les stratèges des partis, nous sommes quelque part en 2024, voire en 2026. Cette carte du Québec bleu poudre apparemment stable et immuable cache des abysses de surprises. Les plaques tectoniques de la politique viennent inexorablement de se remettre en marche…

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