Le 17 août 2022, la directrice des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains, Rochelle Walensky, livrait un discours où elle reconnaissait que l’agence avait manqué à ses obligations face à la crise de la COVID-19.

Pour Walensky, les CDC doivent à l’avenir répondre plus rapidement aux éclosions, rediriger leurs efforts sur les besoins en santé publique et offrir une information de qualité pour que les citoyens et les autorités sanitaires puissent mieux comprendre les directives et s’en servir.

Aux États-Unis, la vague de désinformation a pris une ampleur démesurée. Il y a eu le manque de collaboration du gouvernement chinois dans les premiers mois de la pandémie. Mais ce sont plutôt les frasques du président américain Donald Trump, qui minimisait les impacts de la COVID-19 et proposait des traitements hasardeux, qui ont fait les manchettes.

Près d’un mois plus tard, un groupe de travail sur la COVID-19 de la revue Lancet rendait public à son tour un rapport sur les leçons à tirer de la pandémie⁠1. Le rapport fait allusion à l’échec monumental de la réponse mondiale à la COVID-19.

Pour le groupe de travail, les gouvernements de nombreux pays étaient mal préparés, trop lents à réagir et ils ont porté trop peu d’attention aux plus vulnérables de la société.

L’Institute of Health Metrics and Evaluation (IHME) estime que 17,2 millions de personnes sont mortes de la COVID-19 à travers le monde.

La prévention au Québec

Plus près de nous, Joanne Castonguay, du Commissaire à la santé et au bien-être du Québec (CSBE), écrivait que le gouvernement du Québec était entré dans la pandémie mal préparé. Les plans d’intervention et de simulations n’étaient pas adaptés et mis à jour face à la gestion d’une pandémie.

Le CSBE souligne que le pouvoir des acteurs de la Santé publique avait été dilué avec la réforme de 2015 et que les coupes de 33 % du budget de la Santé publique ont forcé les directions régionales de santé publique à se redéfinir. La réduction de personnel et la perte d’influence au sein des CISSS et CIUSSS ont contribué à une méconnaissance des actions à prendre en contexte d’urgence.

Au Québec, ailleurs au Canada, aux États-Unis et dans plusieurs autres pays, les gouvernements sous-investissent en santé publique depuis très longtemps avec seulement 2,5 à 3 % du budget qui y est consacré.

Prévenir les pandémies

Il y aura toujours des maladies infectieuses qui vont se transmettre d’humain à humain, mais elles n’ont pas nécessairement à devenir mondiales. Larry Brilliant, un épidémiologiste qui a travaillé à l’éradication de la variole dans les années 1970, disait que les épidémies sont inévitables, mais les pandémies sont optionnelles.

C’est pourquoi le président de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Ghebreyesus, a proposé une nouvelle architecture mondiale. Un réseau de partenaires dont le mandat serait de prévenir les épidémies. Pour M. Ghebreyesus, la pandémie nous a montré le pouvoir de la surveillance, de la génomique, des diagnostics, des vaccins et des médicaments thérapeutiques. Mais elle a aussi exposé les écarts et la faiblesse de l’écosystème mondial.

Pour plusieurs, cela implique d’établir de meilleures stratégies de distribution de vaccins aux pays plus pauvres, de promouvoir les systèmes de santé publique partout sur la planète, de s’assurer de la disponibilité des tests de dépistage et des traitements pour les nouvelles infections et la COVID-19 longue, et de favoriser des mesures de prévention et de promotion de la santé qui vont rendre les milieux de vie et de travail sains et sécuritaires.

Un réseau de chasseurs

Quoiqu’une réaction trop forte peut parfois être embarrassante, la COVID-19 a montré qu’une réaction inadéquate peut être dévastatrice, disait Bill Gates dans son livre How to Prevent the Next Pandemic.

Bien entendu, une réaction adéquate nécessite de mettre à profit le réseau de chercheurs qui s’est constitué autour de la lutte contre la COVID-19, les microbiologistes, les biochimistes, les biologistes moléculaires, les généticiens, les épidémiologistes et ceux d’autres domaines de recherche.

Avec un réseau regroupant des scientifiques de partout sur la planète, on peut plus facilement collecter, analyser des données, procéder au séquençage des virus, effectuer le dépistage, entreprendre des enquêtes épidémiologiques et développer des médicaments et des vaccins.

À titre d’exemple, des chercheurs de laboratoires sud-africains ont découvert fortuitement le variant Omicron lors de séquençages génétiques aléatoires. Après avoir remarqué des anomalies à la surface du virus, ils ont analysé dans le détail et relevé de nombreuses mutations qui différaient du virus original. Une trentaine de mutations dans la section de la protéine Spike, celle-là même que le vaccin devait viser. Quelque 36 heures plus tard, l’Organisation mondiale de la santé était informée de ce virus plus transmissible, puis en quelques jours, l’information était partagée à une coalition de partenaires. Ce qui est particulier de l’Afrique du Sud est sa capacité de détecter ces variants en temps réel parce que le séquençage génomique de pathogènes est bien établi là-bas. Néanmoins, les chercheurs ont été surpris de la réaction de nombreux États qui ont fermé leurs frontières et arrêté les échanges commerciaux avec les pays sud-africains.

Force est de constater que nous avons besoin d’un réseau mondial de chasseurs de virus pour surveiller les éclosions et assister les pays lorsque des problèmes surgissent. Et d’une santé publique qui est bien financée, prête à contrer la pandémie et à prévenir la prochaine.

Avec la mondialisation, les transports aériens, les migrations et les crises climatiques, le monde est de plus en plus vulnérable à l’émergence de maladies infectieuses. Il faut prendre acte, favoriser la collaboration et s’adapter aux changements.

1. Lisez l’article du Lancet (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion