Dans une campagne électorale provinciale marquée par l’économie et la pénurie de main-d’œuvre, la question du chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, attend toujours une réponse des partis politiques et de leurs chefs : « Quelle est la place des Premières Nations dans la stratégie de réponse aux pénuries de main-d’œuvre des partis en campagne ? »

Alors que le Québec est aux prises avec un vieillissement démographique, la population autochtone est pour sa part plus jeune, et la proportion de sa population active à la veille de la retraite est aussi plus faible. Les jeunes de 14 ans et moins représentent d’ailleurs une proportion plus élevée de la population autochtone que non autochtone, ce qui signifie que dans les années à venir, la proportion des Premières Nations dans la population active sera plus forte.

Quand on sait qu’à peine 56,8 % des Autochtones de 25 à 64 ans ont un diplôme d’études secondaires ou l’équivalent, comparativement à 83,6 % des Québécois de la même tranche d’âge, la différence frappe l’imagination. Pour réduire cet écart historique, les Premières Nations membres du Conseil en éducation des Premières Nations⁠1 (CEPN) ont entrepris des démarches positives et constructives, et écrit une page d’histoire, en signant une entente régionale en matière d’éducation avec le gouvernement du Canada afin d’avoir accès à un financement équitable, prévisible et durable pour l’éducation préscolaire, primaire et secondaire.

Cette entente de financement de l’éducation, fondée sur un modèle et une méthodologie conçus par et pour le CEPN et ses communautés membres, permettra à 22 Premières Nations d’offrir à leurs 5800 élèves un enseignement de qualité, adapté sur le plan culturel et axé sur leurs besoins spécifiques réels.

Cette entente aura aussi des retombées économiques positives pour les Premières Nations signataires : plus de 600 postes viendront enrichir le secteur de l’éducation.

Le rôle du Québec dans la mise en œuvre de cette entente en matière d’éducation et dans la réussite éducative de ces élèves est déterminant. En vertu de la jurisprudence actuelle, la province doit répondre aux besoins de ces élèves en respectant leurs langues distinctes et les méthodes culturelles d’enseignement et d’apprentissage des Premières Nations. Bon nombre de politiques provinciales régissant l’éducation – qu’on pense aux exigences linguistiques pour l’obtention d’un diplôme d’études secondaires ou collégiales – font obstacle à l’autonomie essentielle à la réussite scolaire des élèves des Premières Nations, dévalorisent leur identité et entravent gravement les efforts des Premières Nations pour se réapproprier, pour revitaliser, pour préserver et pour renforcer leur langue et leur culture.

Les récentes propositions du CEPN visant l’intégration d’une 15e compétence aux programmes de formation à l’enseignement, ses amendements proposés pour reconnaître le contrôle des Premières Nations en matière de langue d’enseignement et d’apprentissage ainsi que les efforts en cours pour décoloniser le programme pédagogique du ministère de l’Éducation restent lettre morte.

Établir des partenariats constructifs à long terme et amener des changements positifs par et pour les Premières Nations se révèlent ardus lorsque les politiques provinciales sont « morcelées et non pérennes », ou lorsque la province enfonce le clou en adoptant une législation sur la langue qui porte atteinte au droit constitutionnel à l’autodétermination des Premières Nations en matière d’éducation, de culture et de langue.

Dans la foulée de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, et à la veille d’élections provinciales qui se sont montrées remarquablement discrètes au sujet des Autochtones et de l’éducation, les dirigeants politiques du Québec peuvent et doivent reconnaître qu’il y a encore fort à faire pour parvenir à une véritable réconciliation. Au moment où les Premières Nations et le CEPN s’engagent dans la prise en charge de l’éducation, Québec ne devrait pas rater l’occasion de passer de la parole aux actes et de reconnaître l’importante contribution socioéconomique apportée par la réussite éducative des élèves des Premières Nations, et leur épanouissement tout au long de la vie, à la province dans son ensemble.

1. Consultez le site du Conseil en éducation des Premières Nations Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion