Contrairement à ce que je craignais, la chute accélérée du français a été abordée dans cette campagne électorale. Il en a été même question à plusieurs reprises, de même que du thème de l’immigration qui lui est lié.

Le premier ministre François Legault semble manifestement conscient du péril qui menace le Québec sur le plan linguistique, même si l’on peut douter de son aptitude à donner le coup de barre dont nous avons besoin en ce domaine.

Une bonne nouvelle a été que l’on a été capable d’aborder le thème aussi délicat que crucial de l’immigration. Sauf que M. Legault a pollué le débat pour rien avec son allusion déplacée aux dangers de violence en rapport avec les nouveaux arrivants.

Cela dit, le premier ministre a raison de rappeler qu’une immigration massive non contrôlée, comme celle que nous subissons actuellement dans le cadre du projet multiculturel sans limite canadien, est dangereuse pour la survie du français et la cohésion de notre société.

La discussion porte entre autres sur le nombre d’immigrants que le Québec devrait recevoir par année, sur ces fameux seuils dont il faut rappeler qu’ils sont plus élevés par habitant que dans ces deux grands pays d’immigration que sont historiquement la France et les États-Unis.

Cela en amène certains à prétendre, de façon surréaliste, que ces seuils ne sont pas vraiment importants, alors qu’on ne voit pas comment expliquer autrement l’anglicisation accélérée de Montréal et de Laval. Point à noter, peu de gens prétendent désormais que l’immigration est LA solution à la pénurie de main-d’œuvre.

Tout en continuant de refuser d’appliquer la loi 101 aux cégeps, François Legault veut maintenir à 50 000 le nombre des nouveaux arrivants annuellement, l’important, selon lui, étant d’en sélectionner davantage qui parlent français.

Alors que le nombre d’immigrants temporaires a explosé, que le honteux chemin Roxham s’est institutionnalisé et que les étudiants de pays francophones africains sont systématiquement bloqués par une administration fédérale ne jurant pourtant que d’ouverture, le gouvernement élu lundi évitera difficilement la réouverture de l’accord Canada-Québec en immigration.

Chimérique régionalisation

Ce ne sera pas un gouvernement dirigé par Québec solidaire (QS) qui s’attellera à ce défi. Au-delà des belles paroles et d’ineffables bons culturels aux nouveaux arrivants, la préoccupation de ce parti pour le français apparaît à toutes fins utiles inexistante.

La survie de la planète est de toute évidence plus importante pour Gabriel Nadeau-Dubois que la défense de l’identité québécoise. QS ne voit pas de problème avec 80 000 immigrants annuellement, même qu’il veut le dispenser pendant « plusieurs années » de s’adresser aux institutions publiques en français, sans autre mesure structurelle pour les franciser que la chimérique régionalisation.

Or, s’il faut continuer à inciter les immigrants à s’installer en région où il est plus facile de les franciser, Éric Duhaime a bien fait de rappeler au débat de Radio-Canada que cela fait des décennies qu’on parle de régionalisation sans véritable résultat, les immigrants s’installant dans les grandes métropoles partout dans le monde.

Pour le reste, si ses positions sur le privé en santé, les monopoles, les garderies et les hydrocarbures en rejoignent plusieurs tout en se situant en dehors du modèle québécois, le chef conservateur n’a pas grand-chose à proposer sur la langue, étant tout à sa cour auprès des anglophones et en raison de son refus libertarien de l’utilisation de la clause dérogatoire pour soustraire le Québec au credo multiculturel canadien.

Le Québec trop confortable

Enterré encore il y a quelques semaines et révélation de cette campagne, le péquiste Paul St-Pierre Plamondon veut réduire les seuils d’immigration à 35 000, ce qui semble bas par rapport aux niveaux actuels. C’était pourtant la norme avant l’ère Charest et cela correspond sans doute davantage à notre capacité d’intégration en tant que société francophone.

Le Parti québécois mérite de survivre, non pour faire pression sur un Canada qui ne craint plus la sécession du Québec, mais bien pour éperonner le système politico-médiatique québécois en matière identitaire et linguistique, comme dans cette campagne.

Point triste enfin, depuis que Dominique Anglade s’est couchée devant la base électorale anglophone du Parti libéral du Québec. Ce grand parti, à l’origine de la Révolution tranquille et désormais rejeté massivement par les francophones, semble avoir renoncé à défendre le français.

Alors que la marginalisation croissante de notre langue et de notre culture apparaît être le principal danger pour le Québec dans les années qui s’annoncent, on doit se réjouir que les thèmes du français et de l’immigration aient été abordés dans la campagne électorale.

Pour le reste, dans un monde de plus en plus en tourmente, cette campagne a révélé que, malgré des problèmes préoccupants ici comme ailleurs (pensons à l’inflation), la société québécoise reste exceptionnellement privilégiée et confortable, trop confortable en fait pour réaliser qu’elle est en train de perdre ce qui a fait historiquement sa force.

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